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Un Chagall en provenance de Fontenay-sous-Bois, un Calder de Vitry-sur-Seine, des Caillebotte d'Argenteuil: au total, 260 "trésors de banlieues" se côtoient le temps d'une exposition inédite à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), illustrant la richesse des fonds municipaux de ces territoires.
L'idée de rassembler ces oeuvres éclectiques -peintures, sculptures, tapisseries, dessins, BD, maquettes, photos- est née il y a presque cinq ans sous l'impulsion de l'Académie des banlieues, une association qui regroupe une trentaine de communes soucieuses de changer l'image des périphéries urbaines.
Les collectivités "disposent d'oeuvres d'art achetées au fil des années pour nourrir leur politique culturelle ou soutenir des artistes, ou encore issues de legs. On a compris qu'on pouvait en faire quelque chose", explique à l'AFP Sylvie Gilles, secrétaire générale de l'association.
Cinquante-trois collectivités de tout bord, y compris en région comme Vénissieux (Rhône) ou Saint-Etienne-du-Rouvray, en banlieue rouennaise, ont joué le jeu. Mais les oeuvres sont pour beaucoup issues de fonds municipaux ou départementaux de l'ex-"banlieue rouge" de Paris.
Nombre d'artistes comme le tapissier Jean Lurçat, engagé dans le mouvement communiste, ou le peintre Boris Taslitzky, fer de lance du Réalisme socialiste en France, ont en effet "abreuvé" de leur vivant les communes de la "ceinture rouge", note Noël Coret, le commissaire d'exposition.
Des villes comme Gennevilliers ou La Courneuve (Seine-Saint-Denis) sont aujourd'hui "assises sur des trésors", estime le critique d'art qui préside par ailleurs le Salon d'automne international. "C'est sans fond, on pourrait créer une biennale!"
A Gennevilliers notamment, le fonds d'art contemporain, riche de quelque 200 oeuvres, a été créé à la fin des années 1980 et chaque année, la ville alloue un budget de 10.000 euros pour acquérir des œuvres. Notamment celles de jeunes artistes qui "se retrouvent souvent propulsés sur la scène artistique mondiale", explique-t-on en mairie.
- "Baraques à frites" -
Cette exposition est donc "une opportunité unique pour le public de voir gratuitement des oeuvres jamais ou très rarement exposées", se félicite Patrice Leclerc, maire PCF de la ville qui, outre plusieurs oeuvres, prête la salle d'exposition et finance l'événement pour moitié (300.000 euros), le reste étant pris en charge par le mécénat d'entreprises.
"Ce n'est pas une exposition fourre-tout", prévient néanmoins Noël Coret: les oeuvres se confrontent autour de sept thématiques, notamment celle de la "brutalité des mutations démographiques" en banlieue ou celle de "ce que disent les rues et les murs des banlieues".
Des Vasarelly prêtés par la mairie de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) côtoient ainsi une gouache enlevée d'Alexander Calder dédicacée à la ville de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Une reconstitution de la barque "Madame" utilisée par Guy de Maupassant pour canoter sur la Seine jouxte une moto bleu canard Gnome et Rhône, prêtée par la ville de Colombes (Hauts-de-Seine).
Un Chagall cohabite avec un "Crucifix" de Robert Combas, tandis que résonne la musique d'Erik Satie, illustre membre de la section PCF d'Arcueil (Val-de-Marne).
Avec pour écrin, des containers rouge vermillon, "percés comme des baraques à frites", qui "donnent une unité à l'ensemble" en répondant au rouge qui court sur la charpente métallique de la Halle des Grésillons, lieu de l'exposition, et rappellent aussi, selon son co-scénographe Guillaume Lanneau, la vocation portuaire de Gennevilliers.
L'exposition, qui ouvre ses portes vendredi, est à visiter jusqu'au 30 novembre.