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Véritable fléau pour les automobilistes, les embouteillages en accordéon semblent surgir sans raison et peuvent s'étirer sur plusieurs kilomètres. Ce phénomène, déclenché par de légères variations de vitesse, incarne "l'effet papillon" sur nos routes. Voici quelques pistes pour mieux comprendre son mécanisme.
D'après les chiffres de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) et de la Fédération du secteur automobile (Febiac), la Région bruxelloise est celle où l’on perd le plus de temps dans les embouteillages en Belgique, avec une perte moyenne de 7 minutes 45 par jour pour chaque personne active, contre 6 minutes 24 en Flandre et 6 minutes 15 en Wallonie. Le 9 novembre dernier a enregistré la plus grande longueur de files à Bruxelles, atteignant pas moins de... 273 km.
L'effet papillon dans la circulation, c'est quoi ?
Dans le domaine de la circulation routière, "l'effet papillon" peut être observé à travers la formation d'embouteillages qui semblent survenir sans raison apparente.
Il suffit qu'un conducteur freine légèrement pour provoquer une réaction en chaîne et entraîner la formation d'importants bouchons. "Ce sont des gens qui, tout d'un coup, roulent à 120 km/h puis freinent parce qu'ils se rendent compte que la personne devant eux roule à 100 km/h, par exemple, sur la deuxième voie. Cela entraîne forcément un effet accordéon : tous les conducteurs qui sont derrière la personne qui a freiné vont eux aussi freiner. Et donc c'est ainsi que se forment les embouteillages", explique Benoît Godart, porte-parole de l'Institut Vias.
Lorsque les premiers véhicules ralentissent, ils sont assez peu impactés par le bouchon en formation et retrouvent rapidement leur vitesse de croisière. En revanche, ceux situés plus en aval mettront plus de temps à s'en dégager. C'est précisément ce qui caractérise un embouteillage en accordéon.
Si les embouteillages résultent d'un nombre trop important de véhicules sur une route à un moment donné, ils sont aussi le produit de comportements de conduite inappropriés, en particulier l'accélération suivie de freinages répétés ainsi que le changement fréquent de voie. "Il y a des conducteurs qui, sur la bande de gauche, passent soudainement à droite parce qu'ils voient que la file avance plus vite, puis reviennent à gauche. Chaque changement de bande provoque des coups de frein chez les conducteurs qui suivent, et ces deux phénomènes accentuent les embouteillages", rappelle-t-il.
L'importance d'une vitesse homogène
La solution pour minimiser les embouteillages repose en grande partie sur le comportement des conducteurs. Autrement dit, chaque décision individuelle se répercute sur l'ensemble de la file, amplifiant ainsi les conséquences sur le trafic.
Pour Benoît Godart, il est nécessaire de faire comprendre aux conducteurs que rouler de manière constante est dans leur intérêt et celui des autres usagers de la route. En réduisant les variations de vitesse, on améliore la circulation.
Plus on limite les coups de frein, plus on réduit les embouteillages
"Si tout le monde roule à la même vitesse, on obtient une circulation fluide et sans à-coups, ce qui permet de réduire les embouteillages", souligne Benoît Godart, qui prend l'exemple du trajet Bruxelles-Liège en soirée, où les panneaux à messages variables permettent d'adapter la limitation de vitesse en fonction de la densité du trafic. "Au lieu de 120 km/h, on réduit la vitesse à 90, 70, voire 50, et cette homogénéité du trafic permet de faire passer le plus de monde en un minimum de temps."
Pour améliorer la circulation, il est donc essentiel de limiter autant que possible les changements brusques de vitesse. "Même lorsqu'un espace se libère devant vous, il est préférable de continuer à rouler à une vitesse modérée, comme 70 km/h, plutôt que d'accélérer à fond jusqu'à 120 avant de freiner à nouveau. Plus on limite les coups de frein, plus on réduit les embouteillages", souligne le porte-parole de Vias. En outre, ce phénomène ne s'applique pas aux heures de pointe, lorsque la circulation est à l'arrêt.
Dans ce cas, le problème vient du fait que la capacité de la route ne peut plus absorber le nombre de véhicules.
Les bouchons expliqués par la science
"Les embouteillages peuvent être décrits à l’aide de la physique des ondes, où une perturbation se propage à travers le temps et l’espace", explique Waleed Mouhali, docteur en mécanique des fluides à l'École centrale d'électronique de Paris. "Cette perturbation est généralement causée par un changement de direction ou de vitesse d’un véhicule. Par exemple, si le premier véhicule ralentit de 10 %, le dixième pourrait réduire sa vitesse de 20 % ou plus. Et ainsi de suite. Ce sont généralement des choix humains qui déclenchent ces perturbations."
Grâce à la mécanique des fluides, il devient plus facile de comprendre le phénomène complexe de la congestion routière, en modélisant le comportement des véhicules comme un flux d'éléments en mouvement. "Imaginez l'eau comme un ensemble de gouttes se déplaçant chacune à sa propre vitesse. De la même manière, chaque voiture est comme une goutte d’eau dans un flux routier, avec sa propre vitesse. Le trafic routier est donc comparable à un fluide en mouvement, et on peut y appliquer les mêmes équations que celles de la mécanique des fluides. Certains modèles de mécanique des fluides permettent de simuler les embouteillages. Grâce à ces équations, il est possible de prédire, dans certaines conditions, l'apparition d'un bouchon ou la vitesse à laquelle il se propage", expose le spécialiste de la mécanique des fluides.
Pour l'enseignant-chercheur, "l’objectif ultime" serait de mettre en place des outils numériques capables de prévoir les ralentissements en temps réel. "Si une caméra sur l'autoroute détecte un changement de direction imprévu d'un véhicule, elle pourrait calculer, par exemple, qu’à 500 mètres, la vitesse sera réduite de 20 %. Mais pour l’instant, notre compréhension des phénomènes de congestion n'est pas encore assez avancée pour permettre de telles prédictions, même si nous progressons", conclut-il.
L'année dernière, les embouteillages en Belgique ont engendré des pertes de temps, une surconsommation de carburant et des émissions polluantes, pour un coût estimé à plus de cinq milliards d’euros. Cela représente une hausse de 4 % par rapport à 2022, selon les données du "Belgian Mobility Dashboard", établi par la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) et la Fédération du secteur automobile (Febiac).