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La nette croissance de la migration durant ces dernières décennies a impacté le monde entier, et surtout l’Union européenne. La Belgique, elle, a décrété la suspension de l’accueil des hommes seuls jusqu’à nouvel ordre. Une décision qui n’est pas sans conséquence, puisque des milliers de migrants se retrouvent chaque jour à la rue…
"Parfois, je monte dans un train et je fais l’aller-retour juste pour pouvoir dormir", nous confie Daho, 31 ans. Cet Algérien, arrivé en Belgique en 2017, dort dehors depuis plusieurs mois. La raison: le manque de place dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, qui sont déjà pleins à craquer. "Je ne sais pas comment sortir de là", ajoute-t-il.
Il y a quelques mois, Jean-Christian se trouvait dans la même situation. Ce Camerounais vit en Belgique depuis mai 2024. Lors de son arrivée, l'homme n’avait ni famille, ni amis. Durant ses premières semaines de séjour dans le pays, il a dormi dehors. "J’utilisais des couvertures et des cartons pour dormir par terre. Le lendemain matin, je repliais tout et je les cachais pour pouvoir les retrouver le soir", explique-t-il.
Mais depuis peu, le réfugié de 36 ans est hébergé dans le centre Belliard. Ce foyer a ouvert en 2023 pour pallier le manque de place d'accueil des hommes seuls isolés dans le pays. Ceux-ci peuvent s’y installer pour une durée minimale d’un mois, renouvelable jusqu’à deux fois.
Je ne veux pas profiter du système
Disposer d’un endroit chaud où passer la nuit permet à Jean-Christian d’avancer dans ses projets et démarches administratives le jour.
"Je ne veux pas profiter du système, je veux travailler, payer mes taxes et avoir une maison. J’attends ma carte orange (autorisation de séjour provisoire qui permet de travailler sur le territoire NDLR). J’ai déjà plusieurs compagnies qui sont prêtes à m’engager lorsque j’aurai mon permis de travail", dit-il, plein d'ambition.
Les centres d'accueil sont pleins
C’est exactement pour cela que le centre a ouvert:"offrir un espace sécurisé et sécurisant, qui répond aux besoins primaires et qui permet ensuite d’ouvrir la porte à toute une série d’autres besoins (comme le suivi de la santé mentale, l’avancement des procédures administratives, ou encore la reconstruction personnelle)", affirme Lara Piette, directrice adjointe du foyer Belliard.
Mais malgré les différents départs des bénéficiaires, le foyer est constamment plein. Si les centres d’hébergement d’urgence ont permis de loger 2.000 personnes en 2023, ce chiffre reste insuffisant.
"Nous n’avons pas assez de places comparé au nombre de demandes", ajoute Lara Piette. Le manque de place dans les institutions s’accroît, et une quantité considérable d’hommes se retrouve sans chez-soi.
Selon la Croix-Rouge, le nombre de personnes dormant en rue en Belgique aurait presque quadruplé entre 2008 et 2024. Parmi ces personnes, environ 4.000 seraient des hommes seuls isolés.
Situation migratoire en Belgique
Ces dernières années, le nombre de migrants a largement augmenté. En 2023, environ 6 % des habitants de l’Union européenne n’étaient pas européens. Selon Eurostat, 1.130.345 demandes de protection internationale auraient également été enregistrées dans les 27 cette année-là.
La Belgique étant devenue un important pays de destination ou de transit, les demandes d’asiles se multiplient, et les centres d’accueil sont bondés.
Fin de l’année 2021, une importante décision est prise: dorénavant, les hommes seuls ne seront plus systématiquement logés dès leur enregistrement à l’office des étrangers, mais y seront intégrés selon les places disponibles.
Un an et demi plus tard, Nicole de Moor, secrétaire d’état à l’asile et l’immigration, déclare finalement que la Belgique suspend totalement l’accueil des homme seuls et ce, jusqu’à nouvel ordre.
En limitant l’accès pour les hommes, Nicole de Moor entend donner la priorité à l’accueil des familles, des femmes seuls, et des enfants. À l’heure actuelle, 33.927 personnes sont accueillies dans les centres disponibles, soit un taux d’occupation de 95 %.
Et si les centres d’accueil sont déjà saturés, cela ne ralentit pas le taux d’arrivants dans le pays pour autant. Selon les données du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), plus de 17.800 personnes auraient introduit une demande de protection internationale en Belgique, entre janvier et juin 2024.