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Nous votons aujourd'hui: quels sont les vrais enjeux derrière les élections?

Le jour des élections est arrivé. Ce dimanche, nous avons pour mission de voter pour désigner nos représentants aux différents niveaux de pouvoir. Les élus auront une lourde tâche devant eux, car les enjeux sont plus importants que jamais.

Les enjeux des élections sont multiples. Ils ne sont déjà pas les mêmes en fonction des niveaux de pouvoir. Pour y voir plus clair et mieux se rendre compte de la tâche qui attend les nouveaux élus, voici les grosses lignes des défis qu'ils devront surmonter.

Au niveau fédéral

De très nombreux chantiers attendent le prochain gouvernement fédéral. Entre la gestion du pays et l'actualité enflammée sur la scène internationale, il y a beaucoup de pain sur la planche.

"Je ne me rappelle pas que l'actualité internationale a déjà pesé à ce point sur nos élections belgo-belges", déclarait Martin Buxant vendredi matin dans bel RTL Matin. "Voyez le Proche-Orient et le positionnement des partis francophones par rapport à la Palestine et l'attitude à avoir sur Israël sont des vrais angles de campagnes. Notez d'ailleurs que tous les partis francophones à l'exception du MR se sont prononcés en faveur d'une reconnaissance de la Palestine comme étant un état à part entière, les Libéraux sont sur une ligne plus favorable à l'état hébreu."

Dans les affaires intérieures, il faudra s'occuper notamment de la question sécuritaire avec la criminalité qui se développe, surtout dans les grandes villes du pays. 

Autre point capital qui va s'imposer à l'agenda du prochain gouvernement : l'emploi. "Il y a grosso modo 300.000 chômeurs en Belgique : 125.000 en Wallonie, 110.000 en Flandre et 65.000 à Bruxelles. La Belgique est le seul pays d'Europe où les allocations de chômage sont illimitées dans le temps. C'est là que réside la principale différence entre ce que proposent les partis de gauche et de droite."

Au niveau régional

"L’enjeu des élections est que la relance qu’on nous promet depuis près de 40 ans arrive enfin", analyse Christophe Deborsu. "Je me rappelle des affiches en 1985 qui portaient le message 'Ça sera dur, mais les Wallons s’en sortiront'. 40 ans plus tard, ça va encore plus mal."

Un endettement colossal

Dans les chiffres, la situation est effectivement très compliquée. La Région wallonne est endettée à hauteur de 26 milliards, la Région Bruxelles-Capitale, elle, compte 12 milliards de dettes. "Si on raporte ça aux revenus, la Wallonie a cinq fois plus de dettes que la Flandre", rapporte notre journaliste. "L’équilibre est en défaveur de la Wallonie, à titre de comparaison, en terme de richesse par habitant, si les Flamands ont 100, nous avons 71". 

"Les Wallons vivent en moyenne deux ans et sept mois de moins que les Flamands. C'est énorme, c'est presque trois ans", poursuit notre expert politique. "Des socialistes aux libéraux, ils sont tous d’accord pour dire qu’il y a un problème d’entreprenariat et de volonté d’entreprendre. Il faut briser cette spirale qui ne nous réussi pas. Ca passera peut être par un ministre-président plus entreprenant, je dis ça avec tout le respect pour Mr Di Rupo. Il faut retrouver une dynamique, peu importe que ce soit de gauche, de droite ou du centre."

"L’enjeu est un peu le même à Bruxelles. La région est riche car il y a de nombreux sièges d’entreprises, mais les Bruxellois sont pauvres. 40% des enfants vivent sous le seuil de pauvreté."

"En Wallonie et à Bruxelles, il faudra voir qui du PS ou du MR va l’emporter pour savoir si on se dirige vers le centre-droit ou le centre-gauche."

"L’enjeu de ces élections est que ça fonctionne enfin", conclut-il pour le côté francophone.

La Flandre, à droite toute ?

Pour la Flandre, l'enjeu est tout autre. La situation financière est nettement meilleure, l'enjeu sera de voir "si le Vlaams Belang va l’emporter et voir si les nationalistes auront la majorité, bien que Bart de Wever a toujours dit qu’il ne s’associerait pas au Vlaams Belang."

"On risque d’avoir une extrême droite qui va faire son meilleur score de tous les temps. Jusqu’ici c’était en 2004 avec 24,3% des voix, ici les sondages ont l’air de montrer que ça va être plus", note encore Christophe Deborsu.

Si la N-VA venait à faire un score décevant, le parti de Bart de Wever est en difficulté face à celui de Tom Van Grieken, il n'est pas impossible que le bourgmestre d'Anvers décide de démissionner de son poste de président de parti. "C'est une réelle possibilité", assure Christophe Deborsu. "Si ça se passe mal, il est du genre à prendre tout de suite ses responsabilités."

Au niveau européen

L'expertise continentale est livrée par l'œil avisé de Christophe Giltay. Notre journaliste rappelle que le scrutin européen concerne 360 millions d’électeurs issus de 27 pays qui vont élire 720 députés. La Belgique pèse peu dans cette Assemblée, elle n’envoie que 21 députés à Strasbourg, 13 néerlandophones, 8 francophones et 1 germanophone. Par comparaison, la France va élire 81 députés, l’Allemagne 96, l’Italie 76, les Pays-Bas 29, le Luxembourg 6. Tout dépend de la population de chaque pays et, en Belgique, de chaque communauté.

Plus ou moins d'Europe ?

Le choix est crucial cette année : "Le futur parlement va-t-il pencher pour  une souveraineté  européenne ou un retour à des préoccupations plus nationales", s'interroge Christophe Giltay. "On assiste dans de nombreux pays dont la France, l’Italie et la Belgique à une montée des partis d’extrême droite. Dans 18 des 27 Etats membres ils se placent aux premières, deuxièmes ou troisièmes places dans les sondages". Si les prévisions se confirment, les partis d’extrême droite pourraient bouleverser l’équilibre du parlement européen, qui tourne depuis 1979, autour de deux groupes, les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates.

Changement de direction à la tête de l'UE ?

La présidente sortante de la commission, Ursula Von der Leyen, brigue un second mandat et les cartes pourraient être sacrément rabattues au lendemain du 9 juin. Selon les sondages, son groupe, le PPE (Parti Populaire Européen - en gros, les démocrates-chrétiens), devrait rester le plus important avec 181 sièges. Et, comme en Belgique, lorsqu’on forme un gouvernement, c’est le groupe qui a le plus d’élus qui aura la main pour nommer le chef ou la cheffe de la Commission. Mais faudra-t-il encore trouver une coalition. "Ira-t-on vers une solution centriste à l’allemande avec une majorité qui rassemblerait démocrates-chrétiens, socialistes et libéraux ? Ou vers un tout autre scénario qui associerait Droite, centre et extrême droite ?", interroge encore notre expert. "Ursula Von der Leyen a déjà déclaré mezzo voce, qu’elle était prête à discuter avec le parti Fratelli d’Italia de Georgia Meloni." 

"Une telle coalition aurait un impact direct sur la politique européenne notamment en matière d’asile et d’immigration. Autre défi : la politique environnementale. En 2019, c’était la première priorité. Or, désormais, les écologistes et leur politique qualifiée de 'punitive' sont en chute libre. Ils devraient perdre de très nombreux élus à Strasbourg. En France, ils pourraient n’en décrocher aucun. Le pacte vert, vivement critiqué par l’extrême droite, a du plomb dans l’aile. Aujourd’hui, les priorités iraient plutôt vers la géopolitique, la défense et les industries d’armement."

L'enjeu géopolitique

Sur le plan fonctionnel, l’Union européenne doit répondre à la question de son élargissement en direction des Balkans, mais aussi de l’Ukraine. Elle doit affronter le dilemme de l’approfondissement. Et elle doit enfin se soucier de sa démocratisation, puisque le projet européen a été créé et pensé par des technocrates.

Des questions bien éloignées des préoccupations des électeurs. Selon un sondage 'euro baromètre' de fin 2023, une majorité d’Européens ont répondu que leurs préoccupations allaient d’abord à la lutte contre la pauvreté et à la santé publique, les questions de défense n’arrivaient qu’en 7e position et l’immigration à la 9e place.

Si les députés européens ne veulent pas agrandir le fossé qui les sépare de l’opinion publique, ils devront se repréoccuper du pouvoir d’achat et des droits sociaux plutôt que de géopolitique. Mais la géopolitique frappe à la porte à grands coups de canon. Une vraie quadrature du cercle.

Le défi majeur pour les élus du 9 juin, sera de prouver que l’Union la plus riche du monde, n’est pas qu’un colosse aux pieds d’argile.

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