Partager:
On appelle cela le cordon sanitaire. Même en Flandre, on le dit en français, het cordon sanitaire. C’est un terme qui vient de l’élevage porcin: un périmètre qu’on installe autour d’une porcherie quand y sévit une maladie contagieuse, pour éviter que d’autres élevages ne soient contaminés. En clair, on coupe la ferme du reste de la filière.
En politique belge, le cordon sanitaire a été créé au début des années 90. Les partis démocratiques francophones et flamands se sont alors engagés à ne jamais gouverner avec l’extrême-droite. Même principe qu’en élevage: on isole l’intolérance pour empêcher qu’elle gangrène tout le système. La notion a vu le jour après la première percée du Vlaams Belang et du Front national belge en 1991, le fameux "dimanche noir".
Au sud du pays, ce cordon politique est même devenu médiatique: la droite extrême est interdite de débat en direct à la radio, la télévision ou sur internet. Mais ce n’est pas notre sujet ici, il y a déjà assez à dire comme ça sur le seul aspect des coalitions réservées aux démocrates.
Un cordon sanitaire politique remis en cause
Ce cordon sanitaire politique n’a jamais été pris en défaut. De la plus petite commune au gouvernement, des deux côtés de la frontière linguistique, aucune formation d’extrême-droite n’a jamais été associée aux responsabilités, Jusqu’à aujourd’hui en tout cas. Car cette semaine, le cordon est pas mal remis en cause en Flandre. Notamment par un politologue très connu, Bart Maddens, de la KU Leuven. Pour lui, si un parti est largement soutenu par la population, il doit avoir l’opportunité d’aller au pouvoir. Sauf s’il est interdit par une décision de justice, bien sûr, mais ce n’est pas le cas du Belang.
La démocratie doit pouvoir se protéger contre ses ennemis en les excluant du pouvoir
L’inventeur flamand du cordon sanitaire, Jos Geysels, ancien président des écologistes de Groen dit l’inverse. "La démocratie doit pouvoir se protéger contre ses ennemis en les excluant du pouvoir. Les électeurs des partis de ce type restent représentés puisque la formation qui a leur confiance siège au parlement et participe au débat". Eh oui, le même mot démocratie provoque deux réactions complètement différentes. À Malines, où j’étais cette semaine avec caméra et micro, j’ai entendu le même type d’arguments et constaté l’existence d’une Flandre coupée en deux entre les pros et antis cordon.
Alors que disent les sondages? La grande enquête "De Stemming" du Standaard et de la VRT montre qu’une légère majorité de Flamands rejette le cordon sanitaire. Il obtient 4,4 sur 10, en-dessous de la moyenne. Les briseurs de cordon sont surtout les électeurs du Vlaams Belang (logique) et de la N-VA. La Nieuw-Vlaamse Alliantie n’existait pas dans les années 90 du siècle passé. Elle n’a donc jamais signé l’accord sur le cordon politique, même s’il elle l’applique jusqu’ici sans faille.
Un risque après les élections communales?
Reste maintenant à savoir ce qui va se passer après les élections générales du 9 juin. Sans doute pas grand-chose. En Flandre, on négociera pour la forme avec le Belang qui retournera ensuite dans l’opposition. Les partis démocratiques flamands savent en effet que leurs partenaires francophones au fédéral n’accepteront jamais le moindre accord de leur part avec l’extrême-droite, cela pourrait signifier la fin du pays ce que même la N-VA ne veut pas. Mais quid après le scrutin communal du 13 octobre prochain? Là, c’est plus incertain. Le cordon pourrait bien être cisaillé par des sections locales de la N-VA qui formeraient des majorités avec le VB. La tentation d’aller au pouvoir dans sa commune peut être forte. On entrerait alors dans une nouvelle ère. Sans qu’on sache où cette ère d’errance nous mènerait.