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La justice argentine examinait vendredi à huis clos la demande de non-lieu , autrement dit d'abandon des poursuites, contre les rugbymen français Hugo Auradou et Oscar Jegou, inculpés d'un viol qu'ils nient, en marge d'une tournée du XV de France dans le pays sud-américain en juillet.
A Mendoza (1.000 km à l'ouest de Buenos Aires) où se sont produits les faits présumés dans la nuit du 6 au 7 juillet, les avocats de la plaignante, une Argentine de 39 ans, et ceux des joueurs, devaientt débattre, dans une audience a huis clos, du non-lieu demandé fin août par la défense des rugbymens.
Avant eux, le parquet -- deux procureurs co-chargés de l'enquête -- devait lui aussi plaider en faveur du non-lieu, comme il l'a annoncé début octobre au terme de l'instruction, "pour cause de doutes ou d'absence de preuves".
Une décision par la juge Eleonora Arenas, présidant les débats, devrait intervenir au mieux le 25 octobre, date d'une deuxième audience programmée. Voire quelques jours plus tard, si la magistrate décide d'une mise en délibéré.
Les avocats sont arrivés peu après 9h00, heure prévue de l'audience, a constaté l'AFP. Avocat des joueurs, Rafael Cuneo Libarona a dit craindre des "subterfuges" visant à retarder la procédure, mais espéré que l'affaire se résolve "le plus vite possible, tant le préjudice est grand".
Natacha Romano, avocate de la plaignante, a réitéré que ses preuves fournies sont "fondamentales", et une nouvelle fois accusé le procureur --qu'elle avait tenté de faire récuser- de "ne pas vouloir en tenir compte".
Plaignante et inculpés ont le droit d'assister à l'audience, mais les joueurs rentrés en France depuis plus d'un mois n'y assisteront pas même en virtuel, selon leur avocat. La plaignante pour sa part n'était pas présente, son frère si.
- Joué d'avance ? -
Auradou et Jegou, 21 ans, sont depuis plus de trois mois inculpés de viol aggravé en réunion, faits présumés survenus dans une chambre d'hôtel de Mendoza, où le XV de France venait de jouer un match contre l'Argentine.
Ils affirment depuis le début que les relations sexuelles avec la plaignante, rencontrée en boîte de nuit, étaient consenties et sans violence. Son avocate a au contraire dénoncé un viol avec "violence terrible", une cliente "sauvagement battue".
Les deux joueurs encourent entre huit et 20 ans de prison.
D'abord placés en détention provisoire puis assignés à résidence à Mendoza, ils ont été libérés mi-août, puis autorisés à rentrer en France début septembre. Ils ont depuis repris le rugby en clubs : la compétition pour Auradou avec Pau, l'entrainement pour Jegou avec La Rochelle.
Dans son argumentaire autorisant, le 3 septembre, le départ des joueurs, le parquet concluait des éléments à sa disposition que "l'accusation initiale a perdu de sa force", reflétant un basculement progressif de la procédure.
Me Cuneo Libarona a indiqué à l'AFP que sa "longue plaidoirie" vendredi visera à "faire ressortir les contradictions, les incohérences, et surtout les omissions" de la plaignante. "Au début cela semblait une horreur, une atrocité, puis on s'est rendu compte que tout était faux".
L'autre avocat argentin des rugbymen, German Hnatow, s'est dit optimiste, considérant que tous les éléments du dossier "mènent à une seule direction : le non-lieu".
- Fuites et surexposition -
Du côté de la plaignante, le pessimisme domine. "Je n'attends rien (...) Je pense que cela va être un non-lieu, ce n'est qu'une question de temps", a confié à l'AFP Mauricio Cardello, l'un de ses avocats.
Les avocats de la plaignante, mère de deux enfants, ont à maintes reprises dénoncé le traitement du dossier par la justice. "Comment ils ont traité la victime, comment ils ont géré médiatiquement, ont fait fuiter des informations...", s'est attristé Me Hnatow.
Sans surprise, la question du consentement a été au coeur du dossier, au fil de l'examen de témoignages, d'images vidéos depuis la boîte de nuit jusqu'à l'hôtel, de messages audios... Autant d'éléments qui ont filtré dans la presse argentine à une fréquence spectaculaire, donnant aux protagonistes une exposition parfois malsaine.
La plaignante, "Maria", avait dit dans une interview à l'AFP en septembre se sentir "abandonnée" par la justice locale, selon elle "aux ordres" -- l'avocat Cuneo Libarona est le frère du ministre de la Justice. Mais disait s'en remettre à "la justice sociale (qui) condamnera" les joueurs, comme la justice divine : "le Tout-Puissant sait les actes qu'ils ont commis".