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Escroquerie sentimentale: Nadine a donné 5.500€ à deux personnes rencontrées via Tinder, "elles avaient LOUÉ un numéro de téléphone via une application"

Les escrocs sont de fins connaisseurs des nouvelles technologies, et n'hésitent à détourner l'usage initial d'une "idée bien pratique" pour rester anonymes et tromper leurs victimes. Illustration avec Nadine, qui pensait parler à une personne basée en France. Probablement basé en Afrique, l'escroc avait loué un numéro de téléphone français via l'application OnOff. Explications.

Malgré les campagnes de prévention est les nombreux articles écrits sur le sujet, les escroqueries ont ligne continuent de faire perdre de grosses sommes d'argent à leurs victimes.

Il faut donc enfoncer le clou et répéter les mêmes conseils, à travers les nouveaux témoignages qui parviennent à la rédaction de RTL info. Le dernier nous est raconté par Joséphine, la sœur de Nadine (prénoms d'emprunt car il est préférable que la victime ne soit pas reconnue). "Au début du confinement elle a trouvé refuge sur les sites de rencontres et le cauchemar a commencé !", nous a-t-elle expliqué.

Pour se remettre d'une séparation

Si Nadine s'est fait escroquer de plusieurs milliers d'euros, c'est parce qu'elle était "affaiblie psychologiquement", nous explique sa sœur. "En février, elle s'est séparée de son mari. Ils ont deux enfants ensemble et leur histoire a duré 28 ans". Joséphine précise aussi que "au niveau mental, Nadine est un peu plus faible que d'autres personnes ; elle n'est pas handicapée, mais elle n'a pas la même intelligence (que la moyenne) et a suivi un enseignement spécialisé".

Cependant, Nadine a une vie normale: un travail, deux enfants et, jusqu’à il y a peu, un mari. "Au début du confinement, elle a commencé à aller sur Tinder". Elle n'y a pas fait de vraies rencontres, car "elle est tout de suite tombée sur des gens qui l'ont escroquée".

La victime a entretenu deux relations en même temps, limitées à des échanges de messages, via WhatsApp par exemple. Elle a cru au grand amour, mais les deux profils n'en voulaient qu'à son argent. Et ils ont profité de l'épidémie de coronavirus pour inventer de nouvelles histoires. "Le deuxième escroc disait qu'il était bloqué en Grèce et que les billets d'avion étaient trop chers. Elle lui a envoyé des bons de recharge Neosurf (voir ci-dessous), il devait arriver le lendemain. Il a fini par lui demander une copie de sa carte d'identité et de sa carte de banque. Elle l'a fait, et à ce moment-là, elle s'est rendu compte que ça allait trop loin. Elle m'a appelée en pleurs, un samedi matin, en disant qu'elle avait fait des bêtises et qu'elle avait besoin d'aide".

Les sommes sont considérables. "5.000 pour l'un, 500 pour l'autre. C’est un vrai cauchemar quand on sait qu’elle doit assumer seule ses charges, l’éducation de ses 2 enfants alors qu’elle ne gagne que 1.700€ par mois".

Flatteries, promesses, demandes d'argent et chantage affectif: voici la tactique des escrocs

Joséphine a raison: "Le processus est simple. Ces escrocs s’inscrivent sur un site de rencontre et attendent leurs proies, qui sont généralement des personnes émotionnellement affaiblies. Ensuite ils les invitent à passer en communication privée".

Nous avons pu lire les nombreux messages (des dizaines par jour) échangés entre Nadine et un prénommé Julien. De quoi comprendre la stratégie finalement assez basique mise en place par les auteurs des escroqueries sentimentales (la police fédérale en donne une description pertinente sur cette page).

Il y a d'abord les flatteries et les compliments mielleux, sur le physique et la personnalité. Puis viennent les promesses d'une vie à deux, même si l'escroc prétend être coincé à l'étranger pour le moment. Ensuite, fatalement, il y a des demandes d'argent (dans le cas de "Julien", qui se dit d'origine africaine et actuellement en France, c'est pour soigner sa fille atteinte du Covid-19, payer ses dettes et rejoindre la Belgique). Et quand celles-ci sont refusées, il y a le chantage affectif, genre: "Tu as dit que tu m'aimais, alors pourquoi tu refuses de m'aider?".

Au fil des messages, "on voit que ma sœur a craqué au bout de 6 semaines" par rapport aux demandes répétées de son prétendu amoureux transi. "Mais quand elle a craqué, elle a  bien craqué. En trois ou quatre versements, d'abord 250€, puis 3.000€ d'un coup, elle a versé 5.000€ à 'Julien', sur différents comptes en banque".

Une plainte pour la forme

Nadine a porté plainte en ligne, sur le site pointdecontact.belgique.be, réservé aux cas similaires. Elle s'est également rendue dans un commissariat, mais "on lui a dit que sa plainte en ligne suffisait". De toute façon, "on n'espère plus vraiment retrouver l'argent, il est parti sur des comptes étrangers, ou dans des recharges Neosurf utilisées anonymement".

La grande délicatesse de ce genre de situation, c'est qu'il ne s'agit pas techniquement d'un vol ni d'une extorsion, mais d'un abus de confiance. Il faut un procès, et donc un coupable, qu'il est pratiquement impossible d'identifier. "Tout est fait pour qu'on ne retrouve pas ces personnes, c'est ça qui me choque".

OnOff est notifié auprès de l’IBPT en tant qu’opérateur

Une application pour louer des numéros de téléphone du monde entier: théoriquement impossible en Belgique…

Joséphine, la sœur de la victime, en vaut donc surtout au système. "J'ai voulu appeler les escrocs, sur leurs numéros de téléphone français. Et là je suis tombé sur un répondeur expliquant que ces numéros n'étaient plus en service. Il s'agissait de numéro OnOff, complètement anonymes".

Depuis quelques années, certains pays (encouragés par l'Union européenne) exigent que chaque carte SIM soit liée à une identité, afin de lutter contre la criminalité et le terrorisme. C'est le cas en Belgique et France, notamment, depuis quelques années. Alors comment les escrocs de Nadine sont parvenus à utiliser un numéro français pour ouvrir un compte WhatsApp ?

Il s'agit de numéros de téléphone virtuels, pour faire simple. L'application OnOff est parfaitement légale et se trouve en accès libre sur les magasins d'applications des iPhone et smartphones Android, permet de louer des numéros de téléphone.  

On peut choisir son pays et la durée de la location. Par exemple, nous avons essayé de louer un numéro belge (il commence par 0460) et ça coûte 4,49€ pour l'utiliser pendant 1 mois. Les appels et les messages s'envoient via internet (Wi-Fi ou 4G). En réalité, l'application respecte les règles locales et donc, en Belgique, il est indiqué qu'il faut "fournir une copie de la pièce d'identité". Nous n'avons pas été jusqu'au bout du processus mais il s'agit probablement de l'envoi d'une photo recto-verso, suivie théoriquement d'un contrôle de la part des gestionnaires de l'application.

L'existence de l'application est connue de l'IBPT, l'Institut belge des services postaux et des télécommunications. "Oui, OnOff est notifié auprès de l’IBPT en tant qu’opérateur. A ce titre, ils sont tenus de suivre la réglementation en vigueur, notamment en matière d’identification des utilisateurs finals. Lorsque OnOff propose l’utilisation d’un numéro, ils doivent pouvoir identifier, à la demande des autorités, l’utilisateur de ce numéro. A noter que les numéros mobiles belges sont obtenus via Proximus". Dès lors, impossible pour des escrocs de passer incognito ? "Effectivement, il ne peut donc être question d’une utilisation anonyme de ce service". L'IBPT effectue des contrôles et inflige des amendes en cas de non respect, comme ce fut le cas à plusieurs reprises pour l'opérateur Lycamobile qui ne vérifie pas (assez) l'identité de ceux qui achètent des cartes prépayées (voir les détails).  

Mais plutôt facile en France

Louer un numéro belge est donc délicat. Par contre, on a essayé de louer un numéro français, et là, il n'est pas indiqué de fournir une pièce d'identité :

Donc à l'autre bout du monde, un escroc parlant français peut s'offrir un numéro français temporaire: pour inventer son histoire (comme celle de Julien coincé en France), c'est plutôt pratique.

MISE A JOUR 2/6

L'entreprise a finalement répondu à quelques questions. D'après elle, il est toujours possible de retrouver l'identité d'une personne qui a loué un numéro de téléphone. Suite à des plaintes, elle a collaboré avec la justice en France, et les renseignements fournis (numéro de carte SIM de l'utilisateur et données bancaires pour le paiement de la location) ont suffi. Par ailleurs, quand le demandeur est situé dans un pays d'Afrique francophone, l'application demande une photo de la carte d'identité et une photo de la personne posant à côté de cette carte d'identité. Autant de précautions qui n'empêchent malheureusement pas de nouvelles escroqueries d'avoir lieu.  

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