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Femmes violentées, adolescentes en errance et éducatrices: des "créatures émotionnelles" de théâtre

Jeunes ou moins jeunes, anciennes femmes battues ou adolescentes en errance, accompagnées par des associations ou éducatrices, neuf femmes souvent cabossées par la vie deviennent à Mulhouse les "créatures émotionnelles" d'un projet théâtral qui crie le droit des femmes à être debout.

"Girl Power!": poing levé et large sourire, la secrétaire de direction de l'association "Le Lieu", Fatima Ghalem, tente de galvaniser la toute jeune Keira qui doit se lancer dans un chant en solo.

Dans les locaux de l'association, Keira comme Fatima Ghalem participent à une répétition de "Je suis une créature émotionnelle", de la dramaturge féministe américaine Eve Ensler, autrice de la pièce devenue culte "Les monologues du vagin".

"Le Lieu", qui accompagne des mineurs en difficulté, parmi lesquels beaucoup de jeunes filles se livrant à la prostitution, mène ce projet avec une autre structure mulhousienne, APPUIS, qui aide notamment des femmes victimes de violences.

Plusieurs éducatrices spécialisées prêtent leurs voix aux personnages féminins dont les monologues se succèdent, entre interrogations sur les règles qu'on impose aux femmes et affirmation de leur libre-arbitre.

"Celui qui peut aider l'autre, ce n'est pas toujours le travailleur social. Aujourd'hui, Aude peut nous faire énormément de bien", explique Sébastien Castells, fondateur du Lieu mais aussi professeur de théâtre.

Derrière son dos, Aude fait des entrechats dans de grands éclats de rire. "Cette pièce, c'est un combat qu'on fait pour les femmes mais c'est aussi un combat pour chacune d'entre nous, pour exprimer ce qu'on refoulait", explique cette mère de famille, accompagnée par APPUIS.

Après les représentations, "les gens viennent et nous prennent dans leurs bras, nous disent merci", ajoute-t-elle.

Dans une tirade à la fois drôle et politique après la déferlante #Metoo, Alice Jean, éducatrice spécialisée du Lieu, proclame: "Ma mini-jupe et tout ce qu'il y a en dessous, c'est à moi!".

Keira et Océane, les deux adolescentes qui participent au projet, alternent chant et passages parlés. "Ca m'a intéressée tout de suite", explique Keira d'une toute petite voix.

"Le support artistique permet à Keira et Océane de nous faire passer des messages", estime Sébastien Castells, qui confie ne savoir qu'une infime part de ce que vivent les jeunes pris en charge par "Le Lieu".

"Ce qui me plaît, c'est le chant", explique Océane. "Sur scène, je suis très stressée, j'ose pas bouger", dit cette adolescente de tout juste 17 ans, qui chante pourtant d'une voix assurée, au timbre évoquant Amy Winehouse.

Grâce à une subvention obtenue par l'intermédiaire de la déléguée départementale aux droits des femmes du Haut-Rhin, les neuf femmes ont pu jouer la pièce au festival "C'est pas du luxe" à Avignon. Une pièce qui continue à tourner en France.

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