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Vous en avez certainement déjà vu: les petites cartes plastifiées d'achat/vente de voitures, laissées sur les vitres des véhicules, sont un véritable "fléau" environnemental. Mais existe-t-il une loi qui régit leur utilisation? Interdites en Wallonie depuis 2019, ces petites cartes subsistent encore aujourd'hui. Remonter jusqu'aux auteurs de ces sociétés opaques reste très compliqué... Explications.
"Tous les jours, je peux retrouver une petite carte Import-Export cars sur la vitre de mon véhicule ! Ça m’est déjà arrivé d'en avoir 3 en 1 jour", nous écrit un habitant de la commune d’Anderlecht via le bouton orange Alertez-nous. "Je ne trouve pas ça normal par rapport à l’écologie et au gaspillage que ça représente", déplore-t-il.
Nous nous sommes rendus au parking Ikea à Zaventem afin de trouver ces petites cartes. Et bingo, nous en avons trouvé une dizaine rien qu’en parcourant quelques allées. Sur place, les gens interrogés sont unanimes : recevoir de telles cartes est embêtant. "C’est ennuyant, on en reçoit à chaque fois qu’on est sur un parking et ça ne m’intéresse pas du tout. En plus, ça me semble douteux", nous dit Florent.
Nous avons tenté de contacter plusieurs de ces sociétés. Nous tombons à chaque fois sur un homme. Tous nous disent que la pratique est légale. Un autre nous promet de nous rappeler 10 minutes plus tard pour parler à son responsable, mais bloque finalement notre numéro.
Une société finit par avouer que la pratique est illégale mais qu’il le fait quand même, par simplicité. Avant de couper court à notre appel. Nous n'en saurons donc pas plus.
Outre l’aspect opaque qui réside autour de ces sociétés, ces petites cartes plastifiées représentent un problème environnemental : "Tout le monde les jette par terre, ça pollue, et ce n’est même pas utile", déplore Edgar.
Mais alors, existe-t-il une législation qui réglemente l’usage de ces petites cartes plastifiées ?
Une interdiction sur le territoire wallon
En Wallonie, le placement de ces cartes plastifiées sur les vitres des voitures est interdit depuis février 2019. C’est l’ancien ministre de l’Environnement Carlo Di Antonio qui est à l’origine de cette loi. Le motif utilisé à l’époque était environnemental, puisque bien souvent, ces cartes finissent à terre car beaucoup de propriétaires de voitures ne prennent pas la peine de la garder pour la jeter plus tard à la poubelle.
Mais malgré l’interdiction sur tout le territoire wallon, ces petites cartes subsistent. Car dans les faits, c’est difficile à contrôler, explique le cabinet de l’échevine de la Propreté de Namur.
"La réalité de terrain montre des difficultés pour sanctionner ces faits. Même s’il y a des constats recensés, il est difficile de poursuivre les procédures parce que les informations sur les papiers en question sont loufoques, difficilement accessibles et/ou non pertinentes. Il est complexe d’identifier clairement les sociétés ou personnes exactes qui se cachent derrière celles-ci", détaille le cabinet de l’échevine.
Seules 2 sociétés sanctionnées à Namur : l’impossible verbalisation de ces sociétés opaques
Depuis que la Région wallonne a décidé de sanctionner cette infraction, l’amende peut être de 150 € à 200.000 €. Ce sont les agents constatateurs environnementaux qui sont chargés du contrôle de cette infraction. Et donc de verbaliser.
Mais dans les faits, ça reste très compliqué : "Les informations ne permettent pas dans la majorité des cas de les relier à une société immatriculée à la Banque carrefour des entreprises. Nous ne disposons donc d’aucune adresse pour envoyer l’amende", ajoute le cabinet de l'échevine de Namur.
D'après les chiffres du cabinet, au total, depuis 2018, la ville de Namur a intenté 18 procédures à l’encontre de ces sociétés. Mais seules 7 amendes ont pu aboutir. Au total, seulement 2 sociétés ont pu être sanctionnées et ont dû payer une amende :
Une société a reçu 5 amendes ;
Une autre en a reçu 2.
Et à Bruxelles, y a-t-il une interdiction ?
A Bruxelles, pas d’interdiction au niveau régional. Mais certaines communes ont mis en place une taxe dissuasive. Comme à Uccle, où elle est de minimum 500 euros depuis 2012. Mais dans les faits, l’efficacité n’est pas maximale non plus…
"En 15 jours, on a récupéré entre 300 et 500 cartes. Au printemps, ça peut tripler voire quadrupler", estime Fredo, inspecteur à la propreté de la commune d’Uccle. Fredo est chargé de retirer ces petites cartes des parebrises des véhicules. Mais aussi, de les confisquer s’il arrive à prendre les poseurs sur le fait accompli.
Malgré la taxe dissuasive, ces petites cartes restent "un fléau", d’après Carine Gol, échevine de la Propreté d’Uccle. "Il faut être conscient que la plupart du temps, quand on arrête quelqu’un qui distribue les cartes, ce n'est pas la personne responsable. Ce sont bien souvent des personnes qui n’ont pas de statut officiel", nous explique-t-elle.
Les individus qui placent ces cartes ne sont jamais les responsables de l'activité d'achat/vente de voitures. Majoritairement en séjour provisoire, parfois mineures, ces petites mains vont à la gare du Midi à Bruxelles où on leur donne un sac avec des milliers de cartes à distribuer. Elles reçoivent 20 ou 30 euros pour la journée et prennent le train pour différentes localités.
Il est donc très difficile de remonter jusqu’aux véritables auteurs : "Il n’y a jamais de nom de société ou bien d’adresse à laquelle on pourrait envoyer la verbalisation", déplore l’échevine.
Mais alors, est-ce efficace ? "Pas assez efficace à 100%, on a encore des cartes mais ça aide quand même, et ça nous donne au moins un moyen de dissuasion. Sans la taxe, on ne saurait vraiment rien faire", nous dit Carine Gol. Cette taxe reste donc quand même un atout pour la commune d’Uccle, qui tente de lutter contre ces petites cartes plastifiées comme elle le peut. "L’avantage c’est qu’au moins on peut leur confisquer les cartes, ce qui permet de limiter la distribution sur notre commune", estime-t-elle.
Bientôt la fin de ces petites cartes plastifiées : vers une interdiction au niveau fédéral pour 2024 ?
La solution pourrait venir du gouvernement fédéral. Le cabinet de la ministre fédérale de l’Environnement, Zakia Khattabi, travaille actuellement sur un projet d'Arrêté Royal afin d’interdire le plastique à usage unique sur tout le territoire belge. "Les cartes publicitaires plastifiées sont aussi inclues dans notre proposition. Nous proposons une entrée en vigueur le 1er février 2024", assure son porte-parole.
Le cabinet d’Alain Maron, ministre bruxellois chargé de la Transition climatique et de l'Environnement, soutient ce projet d’Arrêté Royal qui vise aussi "à interdire purement et simplement la mise sur le marché de ces produits sur l'ensemble du territoire belge". Si rien n'est tenté au niveau régional, c'est parce que les compétences se limitent à l'usage de ces produits plastique. "Une interdiction de ce type n'aurait ici qu'une portée symbolique, serait difficilement contrôlable, et aurait des effets limités pour l'environnement", explique le porte-parole d’Alain Maron.
Ce projet fédéral marquera peut-être la fin de ces petites cartes publicitaires plastifiées, et du fléau environnemental qu'elles représentent.