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1.000 kilomètres pour avorter, le périple d'un couple d'adolescents texans

Quelques mois après le début de leur relation, "M", 17 ans, a découvert qu'elle était enceinte de son petit ami de 19 ans.

Ils n'ont pas eu un seul doute sur ce qu'ils devaient faire: "Nous ne voulions pas d'un enfant", dit-elle.

Mais dans leur Etat du Texas, très conservateur, les lois sur l'avortement sont extrêmement restrictives. Leur seule solution: conduire près de 1.000 kilomètres en une nuit pour atteindre le Nouveau-Mexique.

Le couple, qui vit dans la grande ville de San Antonio et a préféré rester anonyme à cause du climat politique tendu, a commencé à se fréquenter un mois avant que le Texas n'interdise les interruptions volontaires de grossesse dès qu'un battement de coeur est détecté, généralement autour de six semaines - quand beaucoup de femmes ne savent même pas encore qu'elles sont enceintes.

Au départ, cela n'avait pas beaucoup affecté "M". "On ne se sent pas concernée, jusqu'à ce qu'on se retrouve dans cette situation", explique-t-elle.

"Six semaines, ce n'est rien", ajoute "L", qui tient la main de sa petite amie.

"M" a le sentiment d'être trop jeune pour être mère. Pour son partenaire, employé dans un petit commerce, le principal obstacle est l'argent.

"J'ai grandi dans un foyer pauvre, avec juste ma mère, donc je sais ce que c'est. Je ne veux pas que mon fils ou ma fille vive ce que j'ai vécu, je veux qu'ils aient une vie meilleure", témoigne-t-il.

- "Pas à eux de choisir" -

Le couple a utilisé un site permettant de trouver la clinique la plus proche en fonction de son âge, de son lieu de résidence et du stade de grossesse.

Les quelques options au Texas ont vite été balayées. "On ne voulait pas prendre le risque qu'ils détectent un battement de coeur et nous interdisent l'avortement", affirme "M".

"M" et "L" ont donc dû prendre la route vers le Nouveau-Mexique, Etat où les IVG restent possibles.

Agréablement surpris d'avoir pu décrocher un rendez-vous dès le vendredi suivant, il leur faut toutefois faire plus de 1.800 kilomètres aller-retour pour atteindre la clinique.

Leur plan: partir jeudi à 22H, dès la sortie du travail de "L", et revenir vendredi matin juste après la consultation.

Pour se tenir éveillé, "L" a bu des boissons énergisantes, tandis que "M", sentant déjà les premiers effets de la grossesse, somnolait.

Après neuf heures de route, ils ont franchi la frontière du Nouveau-Mexique le vendredi matin, atteignant quelques minutes plus tard la clinique, près de Santa Teresa.

Sur le parking, deux manifestants leur hurlaient de revenir sur leur décision.

"Ils ont essayé de nous parler, mais ce n'est pas à eux de choisir", estime "L".

L'échographie a montré que "M" était à huit semaines de grossesse - bien en deçà de la limite fixée par le Nouveau-Mexique.

"M", cheveux blonds tombant en cascade sur un haut noir, a signé des documents et écouté des instructions détaillées.

"Vous allez prendre une pilule maintenant. Demain, à la maison, vous en prendrez quatre autres", lui a expliqué la professionnelle de santé, prévenant qu'elle ressentirait "des douleurs abdominales" et saignerait.

"Nous vous appellerons dans deux jours pour savoir comment vous allez."

Un gynécologue lui a ensuite donné un comprimé de mifépristone, une enveloppe contenant des instructions, un numéro de téléphone d'urgence et quatre comprimés de misoprostol.

"C'est un peu effrayant", dit "M" en revenant dans la salle d'attente.

Elle a choisi de ne pas en parler à sa mère, même si elle est "sûre qu'elle comprendrait". "Je sais que je ne fais rien de mal, mais quand vous voyez les gens vous juger, vous avez un peu honte."

Neuf heures de route sont devant eux, mais "L" promet qu'il n'est pas fatigué.

"Je suis prêt à rentrer à la maison et à laisser cela derrière nous."

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