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Angela Merkel est parvenue samedi à remettre en selle son fragile gouvernement de coalition en Allemagne, qui tanguait à la suite du scandale provoqué par une alliance régionale entre des élus de son parti conservateur et l'extrême droite.
La chancelière allemande a pour cela commencé à faire le ménage dans son parti en limogeant un membre de son gouvernement, obtenu la démission immédiate du dirigeant de l'Etat régional de Thuringe (centre), où le séisme politique s'est produit cette semaine, et réclamé sur place de nouvelles élections rapides.
Ces décisions ont été annoncées alors que s'est tenue à Berlin une réunion des plus hauts responsables de son gouvernement associant conservateurs et sociaux-démocrate, à la demande de ces derniers qui exigeaient une clarification pour pouvoir rester au gouvernement.
- Renvoi -
La chancelière a commencé par congédier fermement de son gouvernement un des cadres de son propre parti, Christian Hirte.
Ce secrétaire d'Etat à l'Economie et commissaire du gouvernement aux territoires de l'Est de l'Allemagne s'était ostensiblement félicité mercredi dans un message sur Twitter de l'élection controversée du nouveau dirigeant de l'Etat régional de Thuringe, grâce aux voix coalisées des élus CDU locaux et de ceux du parti anti-migrants Alternative pour l'Allemagne (AfD).
Cette alliance surprise a non seulement enfreint les consignes données par la direction nationale du parti de la chancelière, mais surtout brisé un tabou politique majeur de l'Allemagne d'après-guerre: le refus de toute coopération avec l'extrême droite par les autres partis traditionnels.
"La chancelière a proposé aujourd'hui au président fédéral le renvoi du secrétaire d'Etat Christian Hirte", a indiqué sans prendre de gants le porte-parole de Mme Merkel, Steffen Seibert.
Christian Hirte est en outre un cadre du parti de Mme Merkel en Thuringe même, là d'où le scandale est arrivé, où il occupe la fonction de vice-président régional CDU.
Le partenaire social-démocrate des conservateurs de Mme Merkel au gouvernement à Berlin avait réclamé sa tête, estimant qu'il n'était "plus tenable".
Le SPD avait aussi, selon des médias allemands, réclamé le départ sans plus attendre du président élu de Thuringe pour pouvoir rester au gouvernement.
Chose faite également samedi: sous la pression, ce dernier, Thomas Kemmerich, élu du petit parti libéral FDP, a fait part de sa "démission en tant que ministre-président de Thuringe avec effet immédiat".
Il avait déjà annoncé précédemment, au vu de la controverse, qu'il quitterait à terme ses fonctions, mais tout en refusant de donner une date ferme.
- Refus d'alliance -
A l'issue de leur réunion de crise, les dirigeants de la coalition gouvernementale de Mme Merkel ont fait front commun: ils ont réclamé de nouvelles élections "rapidement" en Thuringe et publié une clarification qui était demandée par les sociaux-démocrates en refusant fermement toute alliance avec l'extrême droite.
"Nous excluons la formation de gouvernements ou de majorités politiques avec les voix de l'AfD, cela reste la position des partis qui composent la coalition et ce à tous les niveaux", à savoir fédéral comme régional, indique un communiqué commun du parti démocrate chrétien CDU de la chancelière, de son parti-frère bavarois CSU et du SPD.
Le secrétaire d'Etat limogé samedi est la deuxième victime politique de cette affaire en deux jours au sein du parti conservateur de la chancelière.
La veille, le chef de file des parlementaires CDU en Thuringe, Mike Möhring, avait aussi annoncé qu'il quitterait prochainement, en mai, ses fonctions. C'est lui qui avait supervisé le vote des élus démocrates-chrétiens de Thuringe.
Le parti CDU est tiraillé entre adversaires et partisans d'une alliance avec l'extrême-droite au niveau régional, notamment à l'Est dans l'ex-RDA, où l'AfD est devenue une force politique majeure et rend de plus en plus compliquée la formation de majorités.
L'affaire a ranimé en Allemagne le souvenir des années 1930 et de l'arrivée au pouvoir du parti nazi, grâce notamment à des alliances avec la droite traditionnelle.
L'hebdomadaire Der Spiegel parle samedi à propos de l'alliance de Thuringe d'un signe de "désintégration de la démocratie libérale", et ce "même si le pire a pu être évité".