Partager:
Des personnes âgées "rationnées" ou laissées sans soins pendant des jours. L'affaire fait scandale en France depuis la publication du livre d'un journaliste sur la façon dont les maisons de repos du groupe Orpea traitent leurs résidents. Son enquête dénonce notamment une obsession de la rentabilité au sein du groupe privé. Un groupe présent également en Belgique, où certains témoins vont dans le même sens. D'autres pas du tout.
Envoyée à l'agence wallonne pour une vie de qualité (AViQ), la plainte concerne une résidence de luxe du groupe Orpea. Une permanente SETCa du Brabant wallon dénonce des conditions sanitaires et d'hygiène déplorables. "Il y a des résidents qui, à 11-12h, n'ont toujours pas été nettoyés car le personnel n'a pas le temps. Et donc certains restent dans des langes souillés car les travailleurs n'ont plus le temps", assure Claudia Reckinger.
En plus de soins négligés, elle évoque de l'alimentation qui laisse à désirer. Un médecin coordinateur qui se rend dans cette maison de repos à raison d'une fois par semaine, réfute ses propos. "C'est une trahison et une injustice. Cela blesse toute une série de soignants qui se donnent corps et âmes depuis plus de 2 ans et même avant avec la période du covid. C'est très triste d'entendre des choses qui sont injustifiées", déclare de son côté Gaël Thiry, le médecin-coordinateur d'une maison de repos.
En Belgique, le groupe français compte une soixantaine d'institutions et emploie 4.200 personnes. Plusieurs membres du personnel nous ont contactés et avouent être dans l'incapacité de travailler dignement. "La majorité du temps, on n'est pas remplacés. On doit minimiser le travail. On ne fait pas des toilettes complètes en fait", confie une travailleuse.
Une des raisons qui a poussé Patrick à retirer son oncle d'une de ces institutions. "Il n'a pas été maltraité. Il a simplement été ignoré. Sous prétexte que l'on souhaite que les personnes âgées restent le plus longtemps possible autonomes, on ne s'en occupe pas", prétend-il.
Orpea se défend et invoque l'augmentation des contaminations qui a aussi fortement impacté le taux d'absentéisme du personnel. "Nous sommes en train d'investiguer en interne à propos des faits qui ont été rapportés par les syndicats. Nous visons dans une situation sanitaire qui est critique. Nous sommes impactés évidemment par toutes les mesures que nous devons mettre en place dans le respect des recommandations des tutelles", a répondu Julie Delrue, la responsable qualité Orpea Belgique.
À l'origine, un livre sorti ce mercredi. Son auteur a recueilli plus de 250 témoignages qui dépeignent l'objectif du groupe Orpea. Une politique de réduction des coûts visant à améliorer la rentabilité. "Ces témoins, qui ont bien voulu méthodiquement me rapporter ces dysfonctionnements et le système à l'origine de toutes ces dérives, permettent aujourd'hui de saisir la classe politique en France et dans d'autres pays européens", explique le journaliste Victor Castelet.
Chez nous, la ministre wallonne de la Santé demande l'ouverture d'une enquête. L'action de cette multinationale des maisons de repos a brièvement été suspendue en bourse. En deux jours, elle a perdu 30% de sa valeur.
5 inspections inopinées
Des inspections inopinées ont été menées ce jeudi en Wallonie dans cinq maisons de repos du groupe privé français Orpea, à la suite des révélations du livre-enquête "Les fossoyeurs", qui a dénoncé des maltraitances dans les établissements de ce groupe en France.
"Ces faits sont intolérables et c'est notre responsabilité de vérifier qu'en Wallonie, ça ne se passe pas", a commenté la ministre régionale de la Santé, Christie Morreale, sur le plateau en Jeudi en Prime (RTBF).
Les enquêtes inopinées de ce jeudi ont ciblé Orpea, qui gère dix-neuf maisons de repos au sud du pays. "J'aurai le rapport dans les prochains jours, puisque j'ai demandé d'autres inspections", a ajouté la ministre. Les enquêtes sans prise de rendez-vous sont une nouveauté en Région wallonne depuis un an et demi, a ajouté la ministre PS.
Inopinées ou annoncées, ces inspections - il y en a eu 521 en Wallonie l'an dernier - peuvent dans les pires des cas déboucher sur des démarches en justice voire la fermeture de l'établissement. La ministre a toutefois appelé à "distinguer le bon grain de l'ivraie" par rapport aux 600 maisons de repos de Wallonie, tout en restant intransigeant sur les maltraitances. "Il y a dans les maisons de repos le pire et le meilleur qui parfois se côtoient. Certaines ont des conditions extrêmement bonnes, et il faut aussi saluer les personnes qui, depuis deux ans, se défoncent dans ce secteur-là, que l'on ne voit pas souvent mais qui sont des gens remarquables".
Interrogée sur l'éventuelle nécessité d'aide publique supplémentaire au secteur, la ministre a affirmé que "l'on n'a jamais autant donné" aux maisons de repos que sous cette législature, "parce qu'elles en avaient besoin", avec 260 millions d'euros pour le secteur et celui de l'aide aux personnes. Les normes d'encadrement ont également été revues à la hausse.