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Jean-Christophe nous a contacté via le bouton orange Alertez-nous après s'être reconnu sur une vidéo Youtube. Un cycliste équipé d'une caméra embarquée a filmé et diffusé une altercation avec Jean-Christophe sur Youtube où il serait clairement identifiable. Le cycliste est-il dans son droit?
L'histoire de Jean-Christophe commence au mois de juin 2023. "J'étais simplement piéton, je lui ai fait une remarque quand il était à vélo, il est revenu vers moi et il y a eu une petite altercation", raconte-t-il. Ce n'est que six mois plus tard qu'une connaissance de Jean-Christophe tombe sur la vidéo : "On m'a dit 'Tiens, t'es sur Youtube'", se rappelle-t-il.
J'étais complètement caricaturé
Dans la vidéo, le cycliste a pris le soin d'apposer l'image d'une caricature de Jean-Christophe sur son visage. "J'étais complètement caricaturé. J'ai trois picots sur la lèvre inférieure donc je suis clairement identifiable", déplore le Namurois qui a porté plainte à la police pour atteinte à son droit à l'image et sur Youtube directement. La plateforme de vidéo en ligne lui a rapidement répondu par la positive : "Il ne respectait pas mon droit donc la vidéo allait être supprimée", explique Jean-Christophe.
Explications du cycliste
Contacté par nos soins, le cycliste derrière la chaîne Youtube Ben't Wind, nous explique : "Dans la mesure où une personne vient récemment de porter plainte contre moi pour ce genre de chose et qu'il s'agit peut-être de la même personne, je vais m'abstenir de passer par un média pour échanger sur le sujet". Et le cycliste de continuer : "Pour ce qui est du droit à l'image, ma position est claire : Je le respecte !"
"Il cherche à faire le buzz sur les réseaux sociaux", réagit Jean-Christophe. "Des gens lambdas se retrouvent dessus à leur insu. J'ai reconnu un chauffeur de bus avec une barbe imposante, on ne peut pas passer à côté, mais il m'a dit qu'il n'avait pas de temps à perdre pour porter plainte", regrette Jean-Christophe.
Droit à l'image ou RGPD ?
Dans ses vidéos Ben't Wind dénonce de nombreux manquements au Code de la route (prochainement code de la voie publique). Voitures garées sur la piste cyclable, excès de vitesse, dépassements dangereux... La liste est longue. Mais peut-il pour autant publier ses vidéos sur Internet ? Nous avons posé la question à un avocat spécialisé en droit à l'image.
"Il faut faire la distinction entre caractère reconnaissable et identifiable. Pour qu'il y ait atteinte au droit à l'image, il suffit d'être identifiable, pas forcément reconnaissable", développe l'avocat. Une personne est reconnaissable lorsqu'on peut la reconnaître grâce à ses traits physiques. Elle devient identifiable par une caractéristique externe comme la voiture que la personne conduit, par exemple. Pour respecter le droit à l'image, il convient généralement d'obtenir l'accord d'une personne filmée lors de la prise de vue, et un second accord pour la diffusion.
Flouter un visage ne suffit pas toujours
Pour le respect du RGPD, nous avons posé la question à l'Autorité de Protection des Données, compétente sur le sujet. "Si la donnée est anonymisée, par exemple via un floutage effectif, a priori le RGPD ne s’appliquera pas", explique Aurélie Waeterinckx, porte-parole de l'APD. Il faut toutefois apporter une nuance : "Simplement flouter un visage ne suffit pas toujours à anonymiser la donnée. En effet, une personne peut toujours être identifiable via d’autres aspects, via des caractéristiques physiques distinctes comme la voix, un tatouage ou même des vêtements", précise-t-elle.
À partir du moment où la personne est identifiable, le RGPD s'applique. "A priori, le fait de filmer des personnes et de poster ces vidéos sur un réseau social comme Youtube est, en dehors du cadre journalistique, difficilement acceptable sans consentement", constate Aurélie Waeterinckx.
Selon Marc Isgour, ce n'est pas normal que Ben't Winds puisse continuer de procéder de cette manière, même s'il comprend pourquoi : "On est dans un pays où il y a une liberté d'expression, on ne peut pas faire de censure", rappelle-t-il. "Youtube ne réagit que sur plainte, donc il faut pointer chaque vidéo et que chaque personne lésée porte plainte", conclut-il.
Vous pensez être victime d'une infraction en matière de protection des données ? Consultez le site de l'Autorité de Protection des Données pour plus d'informations et pour éventuellement porter plainte.