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Sébastien et Nancy sont tombés amoureux en prison: "C’est la meilleure chose qui nous soit arrivée dans la vie"

"On se comprend, on a vécu la même chose". Nancy et Sébastien, mariés depuis l’année dernière, se sont rencontrés en prison. Ils nous racontent la naissance de leur histoire d’amour improbable en détention.  

Sébastien, quadragénaire, a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux. Lorsqu’il a 17 ans, il est condamné à une peine de 13 ans pour meurtre et vente de stupéfiants. Sorti de détention en début de trentaine, il retombe vite dans les vols et la drogue.

Quelques années plus tard, il se fait arrêter lors d’un go fast. Cette technique, utilisée par les trafiquants pour transporter des produits illicites, consiste à rouler le plus vite possible pour éviter les contrôles de police. Suite à cela, l’homme est incarcéré pour 10 ans à la prison de Lantin.  

Deux ans avant la fin de sa peine, Sébastien a 44 ans. Il n’a plus personne, ne reçoit ni courrier, ni visite. Il pense à son avenir, et souhaite fonder une famille. "J’avais envie de me ranger et je me suis dit que je n’avais plus rien à perdre", confie-t-il.

Grâce à son travail dans les cuisines de la prison, l’homme a accès à la liste des détenus, dont celle du quartier des femmes. Il se souvient:"J’ai choisi 4 noms au hasard, et je leur ai écrit"

De l’autre côté, dans l’aile pour femmes 

En juillet 2019, une femme incarcérée dans la même prison que Sébastien reçoit une lettre dans sa cellule. Elle la lit, et s’aperçoit qu’il s’agit d’un courrier envoyé par l’un des prisonniers. Celui-ci cherche une partenaire avec laquelle communiquer et faire connaissance.

Il se décrit aussi physiquement, comme s’il détaillait la photo qu’il aurait pu poster sur un site de rencontre. En couple depuis plusieurs années, la femme n’est pas intéressée, et laisse sa demande sans réponse.  

Sa co-détenue, de nature curieuse, intercepte la missive. "Quand j’ai lu le courrier, le descriptif de la personne correspondait un peu à mon idéal. Avec ce que j’avais vécu, je ne voulais plus d’homme dans ma vie. Mais finalement, j’ai tenté et je lui ai répondu", raconte Nancy.  

Je lui ai dit que j'étais condamnée à 20 ans pour avoir assassiné mon mari

Dans sa lettre, la prisonnière joue la carte de l’honnêteté. Elle se décrit, raconte son passé, et explique la raison pour laquelle elle est incarcérée. "J’ai joué la franchise tout de suite. Je lui ai dit que j’étais condamnée à 20 ans pour avoir assassiné mon mari. Je voulais qu’il sache directement à quoi s’attendre", avoue-t-elle.  

Retour chez les hommes 

Quand il reçoit une réponse, Sébastien ne reconnaît pas le nom de son interlocutrice. Il lit le contenu, et découvre l’histoire de la femme qui lui écrit.

Selon elle, son ancien mari était violent avec elle et ses enfants. À bout de solution pour sortir de la situation dans laquelle elle se trouvait, elle a finalement empoisonné son époux.  

Surpris, le prisonnier ne sait pas s’il doit répondre. Mais la franchise et la sincérité de Nancy lui plaisent. "J’aimais son franc-parler. Je ne suis rendu compte que c’était une vraie femme, une maman", explique-t-il. Finalement, les détenus entament un échange épistolaire quotidien, et ce, pendant plusieurs mois.  

Amour naissant 

Très vite, Sébastien propose à Nancy de construire une relation sérieuse et stable à leur sortie. La femme est craintive, mais souhaite aller de l’avant.

Elle raconte:"J’ai vécu 13 ans en étant battue, violée et séquestrée. Pour moi, les hommes étaient tous des cons. Mais petit à petit, on a remarqué que ça pouvait coller entre nous. Il y avait beaucoup de franchise, et on ne se jugeait pas. Je suis tombée amoureuse par courrier".  

Après trois mois d’échanges de lettres non-interrompus entre détenus, ceux-ci peuvent demander l’octroi d’une visite "à table", organisée sous la surveillance des gardiens. Avant leur première rencontre, tous les deux étaient terrorisés.

On a correspondu dans le noir

"On s’est écrit sans savoir à quoi on ressemblait réellement. On a, en quelque sorte, correspondu dans le noir", affirme l’homme. Lorsqu’elle aperçoit Sébastien pour la première fois, Nancy est rassurée.

Physiquement, il lui plaît déjà beaucoup. "On ne savait pas comment commencer la conversation, quoi se dire comment se saluer… Au fur et à mesure, on a commencé à se tenir la main et à se sentir plus à l’aise", se souvient-elle.  

À partir de cet instant, le jeune couple se voit chaque semaine durant 1h. Trois mois plus tard, ils demandent l’accès aux visites hors surveillances (VHS). Celle-ci leur est autorisée une fois par mois, pendant 2h. "La première fois, j’étais paniquée. Je tremblais", raconte Nancy. "Elle est un peu forte, et elle avait peur que je me moque", précise son compagnon.  

Tout se passe à merveille pour les tourtereaux, jusqu’à l’arrivée du COVID-19. La pandémie les empêche de se voir, ils ne peuvent plus échanger que par courrier ou échange téléphonique interposé.

"Le système ne permet pas de s’appeler entre détenus, donc on faisait des appels en triangle. J’appelais ma soeur sur son GSM, Sébastien l’appelait sur le téléphone fixe, et elle mettait le haut-parleur pour qu’on puisse discuter", confie la quinquagénaire.  

L’un dedans, l’autre dehors 

En 2021, Sébastien a purgé sa peine et peut sortir de la prison de Lantin. N’ayant plus aucun contact à l’extérieur, il n’a nulle part où aller. La tante de Nancy vient le chercher, et l’emmène dans une caravane où il pourra vivre jusqu’à ce qu’il trouve un logement.

Ému, l’homme est reconnaissant. "Cette femme m’a fait confiance sans me connaître. Je ne la remercierai jamais assez", dit-il.  

Il promet à son amoureuse qu’il l’attendra, et préparera leur avenir en attendant sa sortie: "Je lui ai promis que quand elle aurait son premier congé, on aurait notre  propre toit". De son côté, la femme n’a aucun doute concernant la sincérité de son compagnon. "J’avais 100% confiance en lui, je ne me suis jamais dit qu’il allait me lâcher", assure-t-elle, fièrement.  

Personne n'y croyait

Entre leur deux libérations, deux ans se sont écoulés. Pendant cette période, le couple s’est appelé chaque jour. "On n’en a jamais raté un seul", insiste l’ancienne détenue. Libérée en conditionnelle en juillet 2023, Nancy rejoint Sébastien. Comme convenu, celui-ci l’attend chez eux. Quelques mois plus tard, les amoureux se marient.  

La rencontre d’une vie 

"Personne ne croyait que j’allais me poser et me marier. Aujourd’hui, je suis heureux, je ne consomme plus rien. Ça a été un changement phénoménal dans ma vie, j’en pleure encore le soir parce que je n’y crois pas", relate le quadragénaire. À l’heure actuelle, le couple essaye de récupérer la garde du plus jeune fils de Nancy, que Sébastien considère comme le sien.

"On se bat pour une réinsertion et pour les enfants. Le petit s’est vite attaché à moi. Depuis que je suis sorti, je n’ai jamais raté un anniversaire ou un Noël. C’est mon gamin, et je me battrai jusqu’au bout pour l’avoir", déclare-t-il.  

Cette rencontre, aussi improbable soit-elle, a changé leur vie. "Grâce à mon épouse, j’ai pu repartir de zéro. Entre nous, tout se passe à merveille. On communique, et il n’y a jamais un mot plus haut que l’autre", raconte l’ancien toxicomane.

Nancy, elle aussi, est aux anges:"On s’est toujours entraidés. On se comprend, on a vécu la même chose. C’est une rencontre en prison, mais qui finit bien. Je souhaite ça à tout le monde, c’est la meilleure chose qui nous soit arrivée dans la vie".  

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