Accueil Actu Vos témoignages

Rayane vit un enfer depuis que quelqu'un a usurpé son identité… il y a 16 ans: "Ça a redessiné ma vie"

C'est en désespoir de cause que Rayane a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous. Le jeune homme de 28 ans raconte être continuellement arrêté, voire parfois malmené par les forces de l'ordre, alors que son casier judiciaire est immaculé. La raison : une personne a usurpé son identité il y a 16 ans.

"J'ai essayé de chercher des personnes qui ont vécu ça, et j'en ai trouvé, mais jamais un cas identique au mien, quelqu'un qui vit ça depuis 16 ans", explique Rayane dépité. Le jeune homme qui a désormais 28 ans a été convoqué au commissariat de Molenbeek quand il avait 12 ans, "pour des cambriolages". Rayane est alors un étudiant sans histoire et il ne comprend pas ce qui lui arrive. Sa maman, qui l'avait accompagné à l'époque, se souvient: "On m'a montré une pile de documents en me disant 'voilà ce qu'on reproche à votre fils'. Là, c'est la douche froide."

maman-de-rayane

Heureusement, assez vite, les policiers se sont rendu compte que Rayane, qui était encore un enfant et surtout, qui se trouvait à l'école, ne pouvait pas être le cambrioleur. Vraisemblablement, d'après les dires des agents relayés par le principal intéressé et sa maman, le véritable auteur aurait usurpé l'identité de Rayane lors d'un contrôle de police. L'histoire aurait pu s'arrêter à ce simple malentendu, mais depuis, l'habitant de Liedekerke a "toujours plein de problèmes par rapport à ça".

Des arrestations à n'en plus finir

"Il n'y a personne qui est entré dans ma vie qui ne m'a jamais vu me faire arrêter", témoigne le jeune homme. Depuis l'usurpation d'identité, Rayane a été interpellé par les forces de l'ordre à moultes reprises. Il est "signalé", à chaque fois qu'il a affaire à la police, même pour un contrôle de routine, ça se passe toujours de la même façon : "On m'emmène au commissariat et me demande de donner mon ADN. Je n'ai droit à aucune explication."

Ça a redessiné ma vie d'une façon négative

Celui dont l'identité a été "volée" se souvient d'un épisode particulièrement traumatisant à l'aéroport de Zaventem, quand il était encore mineur : "Quand je passe mon passeport sur l'automate, ça s'affiche en rouge. J'ai essayé d'expliquer la situation, mais j'ai été malmené. J'avais des marques partout, on m'a emmené dans un cachot avec des gens saouls et quand ils ont vu que ce n'était pas moi, ils m'ont relâché dans le terminal." Cette histoire résume la "frustration et l'incompréhension" de Rayane qui n'arrive pas à saisir pourquoi lors de certains contrôles, les policiers comprennent vite qu'il est une victime dans cette histoire et qu'à l'inverse, l'arrestation prend parfois des proportions incroyables avant que la vérité ne soit rétablie.

Il y a des gens qui ont arrêté de me fréquenter

16 ans plus tard, Rayane n'en peut plus : "Ça a gâché ma vie et celle de mes proches", lance-t-il. Il affirme même que cette situation impacte sa vie professionnelle et sociale : "Il y a des gens qui ne me font pas confiance, qui ont arrêté de me fréquenter." Avoir une voiture, c'est impensable : "Si j'ai une plaque d'immatriculation à mon nom, je n'imagine pas ce qu'il va se passer. Je vais être sujet à deux fois plus de contrôles." Le jeune homme est complétement désemparé et avoue ne plus sortir "à partir d'une certaine heure": "Ça a redessiné ma vie d'une façon négative. Dès que j'entends une sirène de police, j'ai peur."

Une problématique complexe

Nous avons interpellé Frank Schuermans, le président faisant fonction de l'organe de contrôle de l'information policière qui affirme que la problématique est "bien connue" de leur service, mais qui ne donne pas que de bonnes nouvelles pour notre alerteur puisqu'il dit que "ce n'est pas très facile d'y remédier".

"Quelqu'un qui est victime d'une usurpation d'identité va toujours avoir une interpellation quand il se fait contrôler par la police", explique-t-il. Il dit recevoir entre 10 et 15 plaintes de ce type par an, mais que "la solution n'est pas si évidente". Là où un effort peut être fait, selon lui, c'est dans la saisie des informations dans les bases de données et l'uniformisation des méthodes : "On fait une enquête pour voir si les polices travaillent de la même façon et je pense que pour le moment ce n'est pas le cas. Il n'y a pas de directive." C'est donc pour cette raison que parfois Rayane est "bloqué" pendant de longues minutes au commissariat alors que d'autres fois, il est relâché tout de suite.

frank-police

Pour le reste, il semblerait que la personne victime d'usurpation "ait toujours des problèmes quand elle se fait interpeller par la police". Il est donc question de simplifier la démarche, mais pas de la supprimer: "Le but d'un signalement, c'est que quand le suspect se présente sous sa fausse identité, il soit pris." En d'autres termes, la police ne peut pas prendre le risque de laisser une personne partir avant d'avoir vérifié sa véritable identité. Les forces de l'ordre doivent s'assurer que la personne victime d'usurpation d'identité n'est pas l'usurpatrice. "Il n'y a pas de solution miracle."

À la demande, l'organe de contrôle de l'information policière fournit un formulaire dans lequel elle atteste qu'il s'agit d'une victime d'usurpation d'identité pour essayer de faciliter les contrôles.

"Victimes de leur naïveté"

Ce qui est hors du commun dans l'histoire du jeune Rayane, outre la durée de l'affaire, c'est le fait qu'il n'ait jamais perdu sa carte d'identité ou un autre document qui aurait pu donner ses informations à l'usurpateur. "Je ne sais pas comment ça a pu arriver", dit-il.

avocat

En général, dans les affaires de ce type que voit défiler maître Jean-Pierre Balthasar, "les victimes sont souvent victimes de leur naïveté". Pour éviter ce calvaire, il donne les conseils suivants:

  • Mettre le moins d'éléments possibles sur les réseaux sociaux.
  • Déchirez systématiquement tous les documents administratifs que vous recevez avant de les jeter.
  • Changer régulièrement tous les mots de passe.
  • Ne jamais communiquer les mots de passe par courriel ou par téléphone.

Si toutefois, vous êtes victime d'usurpation d'identité, "la rapidité est le maître-mot", lance l'avocat. "En cas de perte ou de vol de pièces d'identité, il est très important de le signaler au plus vite à la police", confirme la police fédérale qui, à l'image du numéro CARDSTOP utilisé en cas de perte de carte bancaire, conseille d'appeler le numéro gratuit 0800 2123 21 23, DOCSTOP. 

Enfin, quand c'est trop tard, comme pour Rayane, Jean-Pierre Balthasar conseille de "faire une déclaration de personne lésée" qui permettra, si on retrouve l'auteur de l'infraction, de réclamer des dommages et intérêts.

À lire aussi

Sélectionné pour vous