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Florian, agriculteur de 23 ans, espère que ça va bouger au niveau européen : "700 € par mois, ce n’est pas possible"

Florian, jeune agriculteur de 23 ans, a pleinement pris part aux actions qui ont paralysé les axes routiers en Belgique pendant plusieurs jours ce mois-ci. Pour RTL info, il revient sur son combat, ses espoirs et ses peurs.  

Après avoir retrouvé leur ferme durant quelques jours, les agriculteurs sont de retour dans les rues de Bruxelles. Si les agriculteurs ont été entendus et ont obtenu des avancées, tous ne sont pas vraiment confiants dans l’avenir. Un avenir que Florian, 23 ans, a devant lui. Le jeune diplômé en agronomie dédie sa vie au travail agricole. Le jour, il est technicien dans un élevage de volailles et le reste du temps, il travaille dans l’exploitation de ses parents à Houffalize dans la province du Luxembourg.

Une question de survie

La terre, la nature, Florian les a dans le sang. Une tradition qui se perpétue depuis quatre générations et qui ne cesse d’évoluer, non seulement pour répondre au développement et aux envies de la société, mais aussi et surtout pour une raison de survie : rester rentable, malgré la dégringolade des prix : "Pour pouvoir vivre de la ferme, on n'a pas eu d’autre choix que de diversifier", confie-t-il.

Dans la ferme familiale, on retrouve donc, en plus de l’élevage viandeux et laitier composé de 150 bovins, un petit moulin, le brassage de leur propre bière, des activités de maraîchage en vente directe, d’autres de tourisme : un site de camping, un golf champêtre, un sentier pieds nus pour se reconnecter à la nature et (re)découvrir le monde et ses sensations avec ses pieds. Et les pieds de Florian justement n’arrêtent pas, pour remplir toutes ses tâches. A la ferme chez les Koeune, le travail commence dès 7 heures du matin, il faut traire les vaches, abreuver et soigner les animaux, démarrent ensuite les travaux dans les champs, avant de s’attaquer aux commandes et aux activités de diversification. Une très longue journée qui se termine vers 19h30, 20h en hiver et qui s’achèvent souvent au-delà de 22h durant la belle saison. Ça, c’est la journée type.

Le travail ne s'arrête jamais

Pour Florian, c’est un peu différent parce qu’il travaille à l’extérieur, il s’occupe du suivi technique d’élevages wallons de volailles. Et quand il rentre, sa deuxième journée de " travail" commence. Travail entre guillemets car il le dit lui-même, c’est un art de vivre, une passion. Une passion exigeante en termes de temps et d’énergie puisqu’en fin de journée, il prend notamment en charge la vente directe à la ferme. Ça ne s’arrête pour ainsi dire jamais : "J'ai des journées très très longues et le week end aussi… "

Et le plus dur dans tout cela ? A entendre le jeune homme, ce ne sont pas les horaires contraignants et les heures passées dehors, mais plutôt la charge administrative : "Pour ceux qui ne connaissent pas du tout ce monde-là, c’est difficile à imaginer. Mais, juste pour le côté administratif, il y en a plus ou moins pour deux jours de travail, c'est quand même énorme, surtout qu'on a tout le travail à côté".

C’est un contrôle tous les mois

Concrètement, c’est remplir des papiers : "des documents, des demandes de l’Afsca, l’agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire", "faire tous les payements, les factures" et "répondre aux contrôles". Et cela dit-il, cela n’a rien d’une mince affaire : "un contrôle chez nous, c’est 3 heures de notre temps pour tout contrôler, 3 heures durant lesquelles on ne peut pas travailler". Pour l’instant, avance-t-il, "c’est un contrôle tous les mois : une fois ce sera pour la salle de traite, une fois pour les grandes cultures, une autre, ce sera un contrôle sur le bio"

Dans cette succession de tâches et de missions à remplir, le jeune homme parvient tout de même à s’octroyer un peu de détente : "On prend quand même le temps de pouvoir vivre, d'aller voir des amis, de faire des soirées". Pour y arriver, un seul mot d’ordre, l’organisation : "Il y a quatre enfants et les parents, donc on a assez de monde pour s'organiser". Une de ses sœurs fait exactement comme lui : elle combine travail à l’extérieur et à la ferme, après sa première journée. Les deux autres enfants sont toujours scolarisés, mais cela ne les empêche pas d’aider, quand ils peuvent.

Quand je vois le salaire de mes parents, ça ne donne pas envie

Une histoire familiale faite d’amour de la nature et du travail. Son père a hérité de la ferme. L’objectif de Florian de reprendre à son tour l’exploitation familiale devient de moins en moins séduisant au fil des années : "Pour l'instant, je vous avoue que cela ne me dit pas grand-chose, vu toutes les contraintes qu'on a… Quand je vois le salaire de mes parents, ça ne donne pas envie".

Malgré un plan de diversification varié et ambitieux, il est difficile pour ses parents de s’assurer un salaire décent "parce qu'il faut toujours investir, investir et s’agrandir. Sinon, on se fait plus taxer parce qu’on n’a pas d’investissement. Ça devient exagéré dans le milieu agricole"

Parmi les difficultés rencontrées, il pointe ce qu’il considère comme une concurrence déloyale : "Produire un kilo de céréales en Belgique coûte plus cher que de produire un kilo de céréales hors Europe. Et tous les prix sont mondialisés. On est en concurrence avec le monde entier". Résultat : "On n’est pas rémunéré à notre juste valeur", estime-t-il.

Des normes environnementales "oppressantes"

La vente directe à la ferme permet-elle de compenser un peu les effets de cette guerre des prix ? "Je connais de plus en plus d'éleveurs qui font des colis de viande à la ferme, qui vendent leur lait à la ferme, parce que vivre avec des salaires de 600 ou 700 euros par mois, ce n’est pas possible".  D’ailleurs, pour subvenir aux besoins de la famille, sa maman a également un autre emploi à l’extérieur de la ferme.

Le jeune homme évoque aussi les normes environnementales "hyper oppressantes et contraignantes" pour eux. Il cite "la replantation d’arbres". "Il en faut", admet-il, "mais sur des unités de production intensive, c’est compliqué d’implanter des arbres".  Il y aussi "la clôture des ruisseaux pour les animaux" et "leur identification": "Par exemple, un veau né doit être bouclé dans les sept jours mais parfois on n’a pas le temps, puisqu’on a un million de choses à faire en été"

L’agriculture européenne est la plus stricte au monde

Toutes ces contraintes et ces difficultés ont amené les agriculteurs à se soulever. Florian fait partie de ceux qui se sont relayés pour bloquer un dépôt d’Aldi à Villeroux. Un blocage de cinq jours qui a abouti à la tenue d’une réunion entre syndicats et représentants de la grande distribution. A l’issue de cette réunion, les agriculteurs ont obtenu avec Aldi un meilleur prix pour la viande, celui-ci passe de 3 à 4 euros le kilo à 4 à 5 euros. Mais, Florian n’est pas optimiste pour autant : "Le problème, c’est au niveau européen. On espère que ça va bouger, avec le calendrier mis en place".

Aujourd’hui, l’avenir fait un peu peur à ce jeune agriculteur et à sa famille : "Nos parents s’inquiètent pour le futur". La perspective de voir les enfants reprendre la ferme n'a plus rien de rassurant. Au contraire. Florian conclut avec ce message, plutôt positif : "Les gens doivent faire attention à ce qu’il consomme. Et l’agriculture européenne est la plus stricte au monde. Je pense qu’on peut être fier de nos produits wallons".


 

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