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"C’est très dangereux": Samy, malvoyant, dénonce le manque d'adaptation des terminaux bancaires dans les magasins

Samy nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour dénoncer l'utilisation de bornes de paiement tactiles dans les magasins. Malvoyant, il s'estime victime de discrimination, car ces terminaux bancaires ne présentent aucun repère et sont donc inadaptés. Mais à partir de juin 2025, une nouvelle législation imposera des règles d'accessibilité et pourrait bien changer la donne. Explications. 

C'est une scène du quotidien supposée être banale : payer avec sa carte bancaire dans un magasin. Mais pour Samy, 23 ans, qui vit avec un handicap visuel, ce geste censé être simple devient un véritable parcours du combattant.

Des terminaux de paiement inadaptés pour les personnes qui vivent avec un handicap visuel

En cause ? L'utilisation de moyens de paiement tactiles dans certains commerces, qui ne sont pas adaptés pour les personnes déficientes visuelles. Impossible donc pour Samy de composer son code secret sur un pavé tactile, faute de repère comme l'écriture braille. "C'est de plus en plus récurrent, je fais face à cette situation dans tous types de magasins", dénonce-t-il. 

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Les nouveaux terminaux bancaires à écran tactile ne peuvent pas être utilisés par les personnes déficientes visuelles car il n'y a aucun repère © RTL info

En plus de ne pas voir le prix, le problème, c'est que face à ce type de machine, Samy n'a pas d'autre choix que de donner son code au commerçant pour pouvoir payer.

Mais cette solution n'est pas envisageable : "C’est très dangereux ! On est aujourd’hui face à un système qui est complètement tactile et où il y a 0% d’accessibilité. On a deux options : soit le sans contact, si on a la chance que ça fonctionne, et il faut quand même faire confiance au commerçant. Soit, on ne peut pas faire de sans contact, car la somme dépasse 50 euros, et alors là, on doit payer avec notre code sauf que c'est impossible pour une personne déficiente visuelle de le faire, et donner son code à un commerçant, ça peut être dangereux pour nous, on est vulnérables", explique-t-il. 

Faute de moyen de paiement sécurisé, Samy a déjà dû abandonner ses courses à la caisse

De manière générale, Samy explique se sentir "enfermé" au niveau des possibilités de paiement. Et cela n'est pas lié uniquement aux terminaux bancaires tactiles : "A Bruxelles, les guichets pour retirer de l’argent sont de plus en plus rares, il faut marcher très longtemps pour en trouver un. Et si en plus on tombe sur ce genre d’appareil, ça n’inspire pas confiance et on n’a pas envie de payer dans ces circonstances". 

Et à cause de ce type de machine, Samy ne compte plus le nombre de fois où il a été obligé d'abandonner ses courses à la caisse, faute de paiement sécurisé... "Ça m’est déjà arrivé de devoir partir du magasin sans mes courses, car je ne pouvais pas payer. Je me suis retrouvé devant ce boîtier, et je n’avais pas le choix ! C’était soit je donnais mon code, soit je déposais toutes mes courses", dénonce-t-il. 

200.000 personnes malvoyantes en Belgique, et aucune règle sur l'accessibilité des terminaux bancaires

Pourtant, le cas de Samy est loin d'être isolé. Au total en Belgique, on estime qu'environ 200.000 personnes sont malvoyantes, et que 10.000 sont aveugles, d'après les chiffres de l'OMS. Ce souci concerne donc une grande partie de la population. 

Alors que faudrait-il faire pour rendre le paiement sûr et sécurisé pour tous ? Actuellement, en Belgique et en Europe, il n'existe aucune législation qui impose l'accessibilité de ces terminaux de paiement. Chacun fait donc un peu comme il veut.

Les terminaux de paiement standards avec touches sont les plus adaptés 

Alors pour aider les personnes malvoyantes, la Ligue Braille organise des sessions d'apprentissages numériques. "Tout est de plus en plus numérisé. Et la particularité des bornes de paiement, c'est qu’il y en a plusieurs. On peut effectuer son paiement en sans contact, ou encore avec le smartphone, mais ça nécessite des apprentissages", explique Julien Rolin, responsable service d'information pour les adaptations techniques à la Ligue braille. 

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Les anciennes bornes de paiement sont les plus adaptées car elles présentent des repères tactiles à différents endroits © RTL info

Pour lui, la solution la plus adaptée serait un retour aux anciens terminaux de paiement, avec des touches. "Ces bornes sont composées de repères tactiles : sur le 5 par exemple, on peut constater qu’il y a une petite boule qui sort. Pour une personne déficiente visuelle, ça lui permet de savoir qu’elle est sur le 5, et qu’en dessous il y a le 8, et au-dessus, le 2. Tout est une question de repère. Alors que sur les terminaux fulls tactiles, il n’y a aucun repère et la personne est perdue", précise Julien Rolin. 

Mais ce ne sont pas les seuls repères présents : on peut aussi voir, et surtout sentir, une petite croix sur le bouton stop, une barre sur le bouton corrigé, et enfin un rond sur le bouton ok. Autant de repères qui vont venir aider les personnes malvoyantes à se situer. 

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Les anciennes bornes de paiement sont les plus adaptées car elles présentent des repères tactiles à différents endroits, ici sur la touche 5 © RTL info

Une loi européenne sur l'accessibilité à partir de 2025

Si jusqu'à présent, aucune loi n'encadrait l'accessibilité de ces terminaux bancaires, ça pourrait bientôt changer. À partir du 25 juin 2025, avec la loi européenne sur l'accessibilité (EU Accessibility Act), il sera obligatoire de proposer un moyen de paiement accessible à tous. C'est un grand pas en avant, mais pour autant, ça ne veut pas dire que les bornes tactiles vont totalement disparaître...

"En fait, tous les nouveaux terminaux qui seront mis en service à partir de juin 2025 seront obligatoirement conformes à de nouvelles règles d’accessibilité. Mais il va y avoir un certain délai pendant lequel les terminaux qui sont déjà sur le marché, et donc déjà en service, pourront rester", développe Mathieu Angelo, directeur du Collectif Accessibilité Wallonie Bruxelles (CAWAB). 

Concrètement, à partir du 25 juin 2025, tous les nouveaux terminaux bancaires mis sur le marché devront répondre à de nouvelles normes. Mais ceux qui sont déjà sur le marché, comme les bornes tactiles par exemple, pourront continuer à être utilisés au moins jusqu'à leur fin de vie, soit environ 20 ans après leur mise en service.

"C'est certain, ça peut être long... Mais on espère qu’il y aura aussi une sensibilité des commerçants pour que, d’eux-mêmes, ils prennent l’initiative de remplacer l’appareil. On essaye de les sensibiliser pour qu’ils soient conscients que les appareils qu’ils mettent à disposition ne répondent pas au besoin des personnes en situation de handicap", précise Mathieu Angelo. 

Pour l'instant, ces critères d'accessibilité sont toujours en cours d'élaboration. Et on ne sait pas encore par quoi les terminaux tactiles seront remplacés. Pour Mathieu Angelo et le CAWAB, il faudrait les remplacer par les anciennes bornes à touches physiques et qui "permettront aux personnes en situation de handicap visuel de pouvoir percevoir les chiffres grâce aux repères". 

Cette loi européenne prévoit également de rendre plus accessibles les automates de vente de tickets dans les transports, les sites internet et applications mobiles, et enfin, les liseuses et tout ce qui est matériel informatique. 

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Commentaires

1 commentaire

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  • Pas besoin de "revenir en arrière", il y a des solutions. Un écran haptique braille permettrait d'avoir du braille de façon dynamique sur l'écran (et donc non seulement de lire les touches, mais aussi le montant et autres détails). Ou alors, produire un petit boitier braille à poser sur l'écran tactile comme interface. Ou encore, un boitier braille portatif sans fils à fournir aux malvoyants, etc.

    Thierry Frayer
     Répondre