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L'ex-président du Pérou Alberto Fujimori, hospitalisé après avoir vu sa grâce annulée par la justice, a imploré jeudi les autorités de ne pas le renvoyer en prison, car cela reviendrait à "le condamner à mort".
"Je veux demander au président de la République, aux juges: s'il vous plaît, ne me tuez pas. Si je retourne en prison, mon coeur ne va pas le supporter, il est trop faible. Ne me condamnez pas à mort, je n'en peux plus", a déclaré l'ancien chef de l'Etat, 80 ans, dans une vidéo enregistrée sur son lit d'hôpital.
"Il est déjà considéré comme un détenu", a déclaré peu avant la publication de ces images le ministre de l'Intérieur Mauro Medina à la radio RPP à propos du statut de l'ancien homme fort du Pérou (1990-2000). Des policiers sont en faction devant la clinique où il se trouve.
"On attend sa sortie de la clinique pour le conduire dans l'établissement pénitentiaire" où il doit être détenu, a ajouté le ministre.
Cinq législateurs liés à son fils cadet Kenji ont présenté un projet de loi pour libérer les prisonniers âgés de plus de 80 ans, comme M. Fujimori.
Pour être approuvé, ce projet de loi doit être soutenu par le parti de sa fille Keiko, rivale politique de son frère.
La justice péruvienne a annulé mercredi la grâce accordée fin 2017 à Alberto Fujimori, condamné pour crimes contre l'humanité, et a ordonné son arrestation, ravivant la controverse autour de cette figure aussi adulée que détestée.
La décision d'Hugo Nuñez, juge de la Cour suprême du Pérou, fait suite à un recours des familles des victimes du gouvernement Fujimori demandant de revenir "sur la grâce pour raison de santé en faveur" de celui qui a présidé le Pérou d'une main de fer de 1990 à 2000, a déclaré l'institution.
Carlos Rivera, l'avocat des parties civiles à l'origine de l'annulation, a affirmé à l'AFP que la décision de mercredi était fondée car "des irrégularités avaient été commises au moment de la grâce".
- "Justice a été rendue" -
La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a estimé que cette décision était une grande "victoire pour les victimes et un pas en avant dans la lutte contre l'impunité".
"En fin de compte, justice a été rendue", a déclaré Rosa Rojas, qui a perdu son fils âgé de 8 ans et son mari en 1991 dans un des massacres pour lesquels M. Fujimori a été condamné
Dans la foulée, M. Fujimori a été admis mercredi à l'hôpital après "avoir souffert d'une décompensation avec une accélération du rythme cardiaque. Il a eu une chute de tension. Pour ce motif, il a été transporté à la clinique pour une série d'examens et de traitements", a dit à la presse dans la nuit son médecin, Alejandro Aguinaga.
Keiko Fujimori, 43 ans, fille de l'ancien chef de l'Etat et dirigeante de l'opposition, avait dénoncé mercredi une décision "inhumaine" et a suspendu une tournée en province.
"C'est le jour le plus triste de nos vies, ça fait mal", avait-elle déclaré en pleurs devant les journalistes.
Alberto Fujimori avait été reconnu coupable d'avoir commandité deux massacres perpétrés par un escadron de la mort en 1991-1992.
Sa libération anticipée au bout de 12 ans décidée par Pablo Pedro Kuczynski, alors président du Pérou, a déclenché une crise politique et de vives protestations d'organisations de défense des droits de l'homme et des victimes de la répression du régime Fujimori.
Retiré de la vie politique, il vivait depuis seul dans une maison en location dans un quartier chic de Lima. Ce père de quatre enfants et grand-père de deux petites-filles disait se consacrer à la rédaction de ses mémoires et prendre soin de ses plantes, une de ses passions.
Ces dernières années, l'ancien président avait multiplié les séjours à l'hôpital. M. Fujimori avait notamment subi plusieurs opérations en raison d'un cancer de la langue.