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L'enquête parlementaire sur les abus sexuels dans l'Église devrait rester un voeu pieux: un vote au Sénat a rejeté mercredi cette demande, au grand dam de victimes et des sénateurs socialistes qui l'avaient réclamée.
La commission des Lois du Sénat a jugé "irrecevable" la demande de création d'une commission d'enquête sur "le traitement des abus sexuels sur mineurs (...) commis (...) au sein de l'Eglise catholique".
Un tel travail de transparence avait été réclamé fin septembre par des victimes de pédophilie, des avocats, et deux ex-ministres dans un appel publié par le magazine Témoignage chrétien, qui a recueilli 29.000 signatures à ce jour et visait à rattraper le retard de la France dans la mise au jour des abus dans l'Eglise.
Plutôt qu'une enquête parlementaire, c'est une simple "mission d'information sur la prévention et la protection contre les abus sexuels dans tous les lieux d’accueil des mineurs" qui a été adoptée mercredi soir par la Conférence des présidents du Sénat.
La commission des Lois, présidée par Philippe Bas (LR), a fait valoir, "en vertu du principe de séparation des pouvoirs", qu'une commission d’enquête ne pouvait "porter sur des faits dont la justice est saisie".
"Réponse politicienne", a rétorqué le chef de file des sénateurs PS Patrick Kanner.
"L’histoire retiendra que le Sénat après s’être grandi au moment de l’affaire Benalla, fait preuve de faiblesse", a estimé la sénatrice PS Marie-Pierre de La Gontrie, en référence à la commission d'enquête créée sur l'ex-chargé de mission de l'Elysée, en dépit d'une information judiciaire le visant.
"Une mission d'information n'a pas du tout les mêmes prérogatives qu'une commission d'enquête", a déploré Jean-Pierre Sueur, vice-président PS de la commission des Lois. "C'est un rideau de fumée", a renchéri Pierre-Yves Collombat (CRCE, à majorité communiste).
Mais pour M. Bas, la commission d'enquête était "une impasse". "J'ai pensé que compte tenu de l'impasse, il fallait sortir par le haut", a-t-il expliqué, assurant que la mission d'information est "un mode de contrôle très efficace qui permet d'aller de l'avant en protégant tous les enfants".
- "Décevant" pour les victimes -
Ce refus "est une faute politique et un message dramatique adressé aux victimes. Une fois encore, elles se heurtent au mur du silence et du déni de leurs souffrances", a estimé la sénatrice PS et ex-ministre de la Famille Laurence Rossignol, signataire de l'appel.
"C'est très décevant, très décourageant" cette "absence de courage politique", a déclaré à l'AFP François Devaux, président de l'association La Parole libérée, à l'origine en 2015 de plaintes contre le père Preynat, soupçonné d'abus sexuels sur près de 80 scouts lyonnais. Cette affaire vaut à l'archevêque de Lyon, le cardinal Barbarin, une citation directe en correctionnelle pour non-dénonciation d'agressions sexuelles.
"Avant de faire une mission sur la prévention, il faut d'abord faire un état des lieux d'une mécanique, d'un système", celui d'"évêques qui cachent des pédophiles", a-t-il affirmé, se disant "écoeuré" de "l'irresponsabilité des pouvoirs publics" sur le sujet.
"C'est déjà un début. Tout ne se fera pas en un jour", a estimé le Père Vignon, soutien de l'appel et initiateur d'une pétition demandant la démission du cardinal Barbarin.
Pour Christine Pedotti, directrice de la rédaction de Témoignage chrétien, "il y a eu une forte pression d'une partie de l'épiscopat révulsé que des parlementaires mettent leur nez dans leurs affaires".
Une mission d'information pourrait certes "noyer le poisson, mais tous les processus de transparence, qui rompent cette espèce d'entre-soi, sont bons à prendre", souligne-t-elle.
La Conférence des évêques (CEF), qui n'était pas favorable à une enquête parlementaire, a dit "prendre acte d'une certaine sagesse de la décision de la commission des Lois", selon Vincent Neymon, son porte-parole. "Nous notons que la mission d'information", si elle se fait, "aura un périmètre large, et nous répondrons à toutes les sollicitations".
M. Neymon a rappelé que la CEF travaillait "à la mise en place d'une instance externe, comprenant des historiens, qui devra faire le travail de vérité et de mémoire" sur la pédophilie.