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"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs". La célèbre phrase de Jacques Chirac est devenue une des plus citées de l'ancien président, métaphore mille fois répétée de l'urgence écologique, mais elle ne se trouvait pas dans la version originale du discours.
Au début, il y a le hasard: le physicien et historien de l'écologie Jean-Paul Deléage va voir Jérôme Monod, proche conseiller et ami de Jacques Chirac à l'Elysée, pour tout autre chose, quelque temps avant le sommet de la Terre à Johannesburg.
"De fil en aiguille on m'a donné à lire le texte qu'un conseiller avait écrit pour le discours de M. Chirac", a-t-il raconté jeudi à l'AFP. "C'était un discours très bien d'ailleurs, mais j'ai dit: il serait peut-être possible de rajouter une phrase dont les gens se souviennent".
Le 2 septembre 2002, à Johannesburg où il s'est rendu flanqué notamment de Nicolas Hulot, le président français récemment réélu attaque son discours par sa fameuse mise en garde, devant un parterre de chefs d'Etat, au premier rang desquels Nelson Mandela.
"On avait rajouté cette formule-là, mais je ne savais pas s'il allait la garder", a déclaré jeudi Nicolas Hulot à BFMTV. "Et je me revois au sommet, un peu penaud, parce que je me demandais quand même ce que je faisais là, au fond de cette immense salle".
- "un point de départ" -
"Quand j'ai entendu ces mots prononcés, quand j'ai vu combien ils touchaient au plus sensible de chacune et de chacun d'entre nous, je savais que c'était un point de départ, un point de référence, et l'histoire nous l'a montré", a ajouté l'ancien ministre de la Transition écologique d'Emmanuel Macron, qui avait refusé ce ministère sous Jacques Chirac.
Jean-Paul Deléage, qui dirige la revue Ecologie et Politique, balaie en revanche la "légende" qui veut que la phrase ait été inspirée par un tube des années 1980, "Beds are burning", du groupe australien Midnight Oil, dont le leader Peter Garett, militant écolo et pour le désarmement nucléaire, finit par se lancer en politique, devenant ministre de l'Environnement. "Je n'ai jamais entendu parler de ce groupe".
La phrase a en tout cas fait florès. Encore tout récemment, annonçant sa volonté de mettre les feux de forêt en Amazonie sur la table lors du sommet du G7 de Biarritz, Emmanuel Macron tweetait: "Notre maison brûle. Littéralement. L'Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu".
Et dans le flot d'hommages à l'ex-président décédé jeudi, elle est régulièrement revenue, comme dans les tweets de Barbara Pompili, ex-secrétaire d'Etat à la biodiversité et présidente de la commission développement durable de l'Assemblée, l'eurodéputée LREM Nathalie Loiseau, le député et proche de Nicolas Hulot Matthieu Orphelin, la ministre Annick Girardin, ou l'ex-ministre de l'environnement Delphine Batho.
Un photomontage a même affublé Jacques Chirac des couettes de la jeune militante suédoise Greta Thunberg.
Si l'ancien président peut être crédité d'un éveil des consciences, son bilan environnemental est contrasté. Fervent défenseur du nucléaire, civil comme militaire, il avait déclenché une tempête internationale en relançant juste après son arrivée à l'Elysée en 1995 les essais nucléaires français dans le Pacifique.
Mais c'est aussi sous son impulsion qu'a été élaborée la Charte de l’environnement, inscrite en 2005 dans la Constitution française.