Partager:
Un missile a tué mardi deux personnes dans le village polonais de Przewodow, près de la frontière avec l'Ukraine, lourdement bombardée par l'armée russe. Après une période d'interrogations sur son origine et les risques d'escalade, Varsovie a estimé mercredi "hautement probable" qu'il s'agisse d'un "accident malheureux" dû à un projectile ukrainien. Une hypothèse partagée par les Américains.
Que s'est-il passé?
Un missile a frappé le village polonais de Przewodow, à environ six kilomètres de la frontière ukrainienne, mardi après-midi, tuant deux hommes. Le ministère polonais des Affaires étrangères a indiqué que l'explosion s'est produite mardi à 14H40 GMT. Selon des habitants, elle a atteint une installation de séchage de céréales, située près d'une école.
Le missile est tombé alors que la Russie menait mardi des frappes massives sur les infrastructures civiles ukrainiennes, qui ont laissé des millions de foyers sans électricité. Les missiles russes ont frappé des villes dans tout le pays, dont Lviv (ouest), près de la frontière polonaise.
Qui a tiré le missile?
La Russie, qui a envahi l'Ukraine le 24 février, a été immédiatement désignée comme suspecte. Mais le président polonais Andrzej Duda a estimé mercredi "hautement probable" que l'engin provienne de la défense antimissile ukrainienne, un "accident malheureux" selon lui. "Rien n'indique qu'il s'agissait d'une attaque intentionnelle contre la Pologne", a ajouté M. Duda.
Même son de cloche à l'Otan, qui ne dispose "d'aucune indication" permettant d'attribuer l'explosion mortelle en Pologne à "une attaque délibérée" contre ce pays, a estimé mercredi le secrétaire général de l'Alliance, Jens Stoltenberg. "Notre analyse préliminaire suggère que l'incident a été probablement causé par un missile de système ukrainien de défense antiaérienne tiré pour défendre le territoire ukrainien contre les missiles de croisière russes", a ajouté M. Stoltenberg.
Un missile ukrainien selon la Maison Blanche, qui pointe quand même une responsabilité russe
La Maison Blanche a accrédité mercredi l'hypothèse selon laquelle le missile tombé en Pologne provenait de la défense antiaérienne ukrainienne, tout en estimant que la Russie était, "au bout du compte", responsable dans cette affaire.
Les Américains n'ont "rien vu qui contredise" ce scénario, avancé par Varsovie mais rejeté par Kiev, a estimé mercredi une porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Adrienne Watson.
"Nous avons pleinement confiance dans l'enquête menée par le gouvernement polonais sur l'explosion survenue près de la frontière avec l'Ukraine et nous saluons le professionnalisme et la rigueur avec laquelle elle est conduite" a-t-elle ajouté, au nom de cet organisme rattaché au président Joe Biden.
"Cela étant dit, quelles que soient les conclusions définitives, il est clair que la Russie est, au bout du compte, responsable de cet événement tragique" à cause de ses frappes contre les infrastructures civiles ukrainiennes, a-t-elle estimé dans un communiqué, en ajoutant: "l'Ukraine avait, et a, le droit de se défendre."
Zelensky continue de nier
Cette mise au point américaine survient alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réaffirmé mercredi que le missile ayant tué deux personnes dans un village polonais était russe.
"Je n'ai aucun doute que ce missile n'était pas à nous", a déclaré M. Zelensky à la télévision, en assurant n'avoir reçu aucune preuve de la part des Occidentaux sur la provenance du missile.
Kiev a réclamé mercredi un "accès immédiat" au site et un "examen conjoint de l'incident", continuant d'évoquer une responsabilité russe. "Nous sommes prêts à remettre la preuve de la trace russe que nous avons", a affirmé le secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense ukrainien, Oleksiï Danilov.
Quelles sont les conséquences?
L'explosion a fait craindre que l'Otan, que la Pologne a rejointe en 1999, soit entraînée dans le conflit entre la Russie et l'Ukraine. La Pologne est protégée par l'engagement de défense collective de l'Otan, formalisé dans l'article 5 de son traité fondateur, mais la réaction de l'Alliance atlantique doit être calibrée en fonction du caractère accidentel - comme évoqué désormais par Varsovie - ou intentionnel de l'incident.
Une réunion d'urgence des ambassadeurs de l'Otan s'est tenue mercredi matin pour faire le point sur la situation en Pologne. Cette dernière a placé ses forces armées en état d'alerte renforcé suite à l'explosion. Elle a également convoqué l'ambassadeur de Russie pour des "explications détaillées immédiates", avant que le chef de l'Etat polonais ne parle d'un projectile probablement tiré par la défense ukrainienne.
Moscou a annoncé mercredi après-midi la convocation de l'ambassadeur polonais en Russie.
La Russie nie toute implication
La Russie a quant à elle dit n'avoir "rien à voir" dans l'incident, assurant mercredi que le missile avait "sans équivoque" été tiré par un système de défense S-300 des forces ukrainiennes.
Les dirigeants des grandes puissances du G7 (Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada, Japon) avaient auparavant tenu une réunion d'urgence sur le sujet en marge du G20. Ils ont exprimé leur solidarité avec la Pologne mais aussi appelé à la prudence en attendant le résultat d'une enquête.