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L'armée s'est déployée en Nouvelle-Calédonie, où trois nuits d'émeutes qui ont fait quatre morts dont un gendarme, ont plongé le territoire français du Pacifique sud dans une crise sécuritaire, identitaire et politique, sur fond de révolte contre une réforme électorale controversée. L'intervention des militaires doit permettre de "sécuriser" les ports et l'aéroport du territoire, désormais sous le régime de l'état d'urgence décrété par le gouvernement mercredi soir. Le Premier ministre Gabriel Attal a également annoncé l'interdiction du réseau social Tik Tok, utilisé par les émeutiers.
La nuit de mercredi à jeudi "a été moins violente" que les deux précédentes, a estimé le représentant de l'Etat dans l'archipel, Louis Le Franc, même si elle a encore été le théâtre d'affrontements "très importants". Dans l'agglomération de Nouméa, les riverains ont commencé à organiser la défense de leurs quartiers et érigé des barricades de fortune faites de palettes de bois, de bidons et autres brouettes, sur lesquelles ils ont planté des drapeaux blancs, a constaté un correspondant de l'AFP.
L'agglomération de Nouméa a été la proie des violences, a précisé le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, alors que policiers et gendarmes ont procédé à quelque 200 interpellations depuis lundi. "Il y a aussi des pièges tendus aux forces de l'ordre", qui ont subi des "tirs nourris de carabines de grande chasse", a déclaré M. Le Franc.
Le bâtiment du Sénat coutumier a été incendié, selon son service de communication, sans que l'ampleur des dégâts soit immédiatement connue. Symbole de cette nouvelle flambée de violence, le quartier pauvre d'Auteuil, où des tirs nourris résonnaient encore au petit matin, était très endommagé jeudi, a constaté un correspondant de l'AFP: supermarché incendié, commerces et restaurants brûlés et pillés.
"On n'est pas entendus"
"Nous venons ramasser ce qu'il y a dans les magasins pour manger (...) On a besoin de lait pour les enfants. Je ne considère pas que ce soit du pillage", a affirmé à l'AFP une habitante d'Auteuil, qui a requis l'anonymat. La violence, "on est obligés de passer par là, de tout péter parce qu'on n'est pas entendus", a assumé un jeune homme vivant dans la commune de Houaïlou, qui a également refusé d'être nommé.
A Paris, le président français Emmanuel Macron a renoncé jeudi à un déplacement prévu à Flamanville (Manche) afin de présider une "réunion de suivi" sur la situation en Nouvelle-Calédonie.
Il a proposé aux élus calédoniens d'avoir "un échange par visioconférence" à son issue. Sans attendre, la principale figure du camp non-indépendantiste, la présidente de la province Sud et ex-secrétaire d'Etat Sonia Backès, a réclamé jeudi dans un courrier à Matignon que la France accepte la mise en place d'un "fonds exceptionnel de reconstruction" pour effacer les stigmates de trois nuits de "violence inouïe", don telle a chiffré le coût à 150 millions d'euros.
Dans le cadre de l'état d'urgence, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a procédé à cinq premières assignations à résidence de membres de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), la frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), accusée d'être à l'origine des violences. Dans un communiqué, les chefs de ce mouvement, sans réagir à ces assignations, ont argué que "les exactions commises (...) n'étaient pas nécessaires", mais étaient "l'expression des invisibles de la société qui subissent les inégalités de plein fouet et sont marginalisés au quotidien".
Les principaux partis politiques du territoire et les autorités avaient appelé au calme mercredi, face à cette vague de violences, la plus grave depuis les années 1980. Elle a fait trois morts, deux hommes de 20 et 36 ans, ainsi qu'une adolescente de 17 ans, ont détaillé les autorités. Un gendarme touché par balle à la tête a également succombé à ses blessures.
Pont aérien
En métropole, les députés ont adopté dans la nuit de mardi à mercredi la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres. Ce texte devra encore être voté par les parlementaires qui doivent se réunir avant "fin juin" en Congrès à Versailles, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient auparavant, a fait savoir le président de la République.
Le texte voté vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, enjeu crucial dans l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral et marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak".
Côté population, faute d'approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires continuent de provoquer de très longues files d'attente devant les commerces du territoire.
Jeudi, les autorités ont annoncé un "pont aérien" entre l'Hexagone et le territoire calédonien, où l'aéroport reste fermé jusqu'à nouvel ordre, notamment pour "assurer la prise en compte des besoins essentiels de la population".
Le haut-commissaire Louis Le Franc a également évoqué la mise en place de convois sécurisés pour approvisionner les points de distribution alimentaire. "Si la situation ne (revient) pas rapidement à la normale, les établissements vont être confrontés (...) à une pénurie de médicaments", a également alerté la fédération des établissements d'accueil des personnes âgées. D'importants effectifs de policiers et de gendarmes, dont des éléments de leurs deux groupes d'élite, le GIGN et le RAID, sont déjà mobilisés. D'après le ministère de l'Intérieur, 1.800 policiers et gendarmes y étaient déployés mercredi et 500 de plus sont attendus.