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Des dizaines de tentes retournées, des pancartes "Libérez la Palestine" et "Non au sionisme", des keffiehs et lampes torches gisant au sol: voilà tout ce qu'il reste jeudi à l'aube du campement au coeur du campus de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA).
Après une semaine d'occupation, les forces de l'ordre ont fini par démanteler le campement des étudiants mobilisés pour Gaza, au cours d'une longue opération qui a duré toute la nuit.
Casques blancs sur la tête, les derniers étudiants présents sont acculés contre un bâtiment en brique par des policiers en tenue anti-émeute. Des dizaines d'entre eux sont menottés avec des liens en plastique, avant d'être confiés à des agents chargés de les identifier.
Certains tiennent à sortir la tête haute, comme cette jeune femme aux cheveux bouclés, qui hurle "Libérez la Palestine!", pendant qu'un agent l'escorte.
A plusieurs dizaines de mètres, un diplômé de l'université observe la scène, l'air dépité.
"C'était une manifestation plutôt pacifique. Une intervention comme celle-là ne devrait pas arriver", estime ce jeune homme, qui souhaite rester anonyme et a passé toute la nuit autour du campement, comme des centaines d'autres personnes venues soutenir les manifestants dans un dernier baroud d'honneur.
"L'université ne peut pas agir comme cela", ajoute-t-il. "On ne peut pas rester silencieux les premiers jours et soudainement déclarer le campement illicite. Si c'était illégal, ils auraient dû le dire dès le début."
- Approche tolérante -
Face au mouvement pro-palestinien qui s'est propagé sur d'innombrables campus du pays, la prestigieuse université publique s'est en effet d'abord démarquée par une approche très tolérante.
Contrairement à de nombreux autres établissements, elle a essayé d'éviter de recourir à la police.
Avec ses vestes jaunes et ses vélos, la sécurité privée employée pour surveiller les lieux a ainsi fortement contrasté avec la politique menée par l'autre université de Los Angeles, USC, qui a fait intervenir des agents en tenue anti-émeutes dès le premier jour de mobilisation.
Mais au cours de la semaine, la situation s'est progressivement envenimée à UCLA.
Dimanche, une contre-manifestation pro-israélienne organisée par des associations extérieures au campus a attiré des milliers de personnes sur la pelouse en face du campement. Des militants pro-palestiniens et pro-israéliens en sont venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.
Les nuits suivantes ont été marquées par des tensions entre étudiants du campement et des contre-manifestants, souvent masqués et dans la trentaine, tentant de s'y introduire. Une situation qui a dégénéré dans la nuit de mardi à mercredi, avec une attaque sur le campement à coups de bâtons et de projectiles.
De quoi pousser la direction à changer son fusil d'épaule, en déclarant le campement illégal.
Les incidents survenus "ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur", a souligné mercredi le président de l'université, Gene D. Block, en raison notamment de l'emploi de slogans controversés appelant à l'"Intifada" - "soulèvement" en arabe.
- Chaînes humaines -
Un diagnostic réfuté par de nombreux enseignants de l'établissement, qui ont défendu jusqu'au bout leurs étudiants, au nom de la liberté d'expression.
"L'université et les autorités avaient l'occasion d'opérer une désescalade", juge le professeur de sciences politiques Graeme Blair, en regardant la police démanteler le campement pendant la nuit. "Ils ont envoyé la police très tardivement contre les extrémistes la nuit dernière et maintenant ils s'en prennent aux étudiants participant à une manifestation pacifique."
Quelques heures plus tôt, il avait organisé une marche avec une cinquantaine de collègues, pour rejeter les accusations d'antisémitisme à l'encontre du campement.
Face à cette situation délicate, la police a mené une opération très longue. Le campement a été encerclé pendant plusieurs heures, avant que des officiers ne démantèlent méthodiquement les palettes de bois et panneaux de contreplaqué formant les barricades.
Pour résister, les étudiants ont formé des chaînes humaines, bras dessus bras dessous, pendant que des fusées éclairantes étaient tirées au-dessus de leur tête dans un bruit assourdissant. Un à un, ils ont péniblement été attrapés et traînés dehors.
Certains ont utilisé des extincteurs contre les policiers, d'autres ont été touchés par des tirs de LBD.
Reste maintenant à nettoyer les lieux. Car sous les arcades des vastes bâtiments de style néo-roman qui entouraient le campement, les murs sont recouverts de nombreux graffitis.
"Cessez-le-feu maintenant !", réclame l'un d'eux.