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Pour les proches des victimes de Srebrenica, pardonner est "impossible" mais la paix est possible si les Serbes "acceptent la vérité" et reconnaissent qu'il s'agit d'un acte de génocide, comme l'affirme un projet de résolution à l'ONU fustigé par Belgrade.
Il faut "que ceux qui ont conduit leur peuple dans cette position (de déni, ndlr) acceptent la vérité, pour que nous retrouvions tous la paix et pour reprendre la vie", explique à l'AFP Kada Hotic.
A 79 ans, Kada Hotic, dont tous les hommes de la famille - son fils, son mari, ses deux frères - ont été tués dans le massacre, co-dirige depuis près de trois décennies la principale association des mères de Srebrenica.
Avec une poignée de femmes, elle a lutté pour retrouver des corps jetés dans des dizaines de fosses communes, pour ériger un centre mémorial, où les restes de 6.751 victimes ont été enterrés à ce jour.
Il y a bientôt 30 ans, en juillet 1995, quelques mois avant la fin du conflit intercommunautaire bosnien, les forces serbes de Bosnie ont tué dans les alentours de Srebrenica plus de 8.000 hommes et adolescents bosniaques - la pire tuerie d'une guerre qui a fait près de 100.000 morts.
Les chefs politique et militaire des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, ont été condamné à la perpétuité par la justice internationale pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
Mais nombre de dirigeants politiques ou religieux serbes refusent encore de qualifier le massacre de génocide - notamment le président serbe, Aleksandar Vucic, qui lutte depuis des semaines contre le projet de résolution de l'ONU qui vise à faire du 11 juillet la "Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide de Srebrenica". Le vote est prévu jeudi.
- "Tous perdants" -
Le "combat le plus difficile" a toujours été celui qui vise à lutter "contre le déni", et la résolution sera "un cachet sur la vérité", espère Kada Hotic. Si elle est adoptée, ce sera une "satisfaction" pour les Bosniaques, mais, pense Mme Hotic, elle devrait l'être aussi pour les Serbes.
"Mon enfant ne sera plus jamais vivant. Je ne pardonnerai jamais aux criminels. Je n'en ai pas le droit, au nom de sa vie", dit-elle assise dans le centre mémorial, au milieu des stèles blanches. Mais une "demande de pardon" et la "condamnation des criminels de guerre (..) serait un remède pour nous tous".
Sadeta Suljic, 57 ans, dont le frère et le père ont été tués dans le massacre, espère aussi que la résolution mettra fin au "mensonge" et au "déni".
"Nous n'accusons pas le peuple entier. Nous voulons que les coupables soient punis", dit Mme Suljic, qui dirige une autre association. "Je ne comprends pas ce peuple. Comment peuvent-ils nier ? Ils passent par là, ils voient" le cimetière.
"Si la résolution est adoptée, beaucoup d'entre eux vont dire +Ecoutez, nous devons arrêter, nous devons dire que ça s'est produit", croit-elle.
Outre l'importance à l'échelle internationale de la résolution, qui va instaurer "un jour où les gens vont réfléchir sur le crime qui a été commis ici", Almasa Salihovic, 37 ans, employée du Centre mémorial de Srebrenica, espère qu'elle va "faire changer les consciences".
Cette femme, dont le frère Abdulah a été tué dans le massacre à 18 ans, veut croire que le vote de la résolution sera un tournant. Elle voit dans la réaction des dirigeants serbes une ultime "tentative d'empêcher le monde civilisé de les forcer à accepter qu'un génocide a été commis ici".
Pour Kada Hotic, la résolution devrait envoyer un message aux futures générations : "Le crime ne paie jamais. Dans le crime qui a été commis ici, nous sommes tous perdants".