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Le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall a annoncé lundi un projet de loi d'amnistie des faits survenus au cours des troubles traversés par son pays depuis trois ans, en pleine crise autour du report de la présidentielle.
Le président Sall a présenté cette mesure comme destinée à réconcilier les Sénégalais après différents séquences de contestation politique qui ont fait des dizaines de morts depuis 2021 et alors que son pays est en proie à l'une de ses plus graves crises depuis des décennies après le report de sa présidentielle, qui aurait dû avoir lieu dimanche.
Des centaines de personnes ont été arrêtées et poursuivies sous différents chefs depuis 2021.
Parmi elles figurent des personnalités politiques de premier plan, dont l'opposant antisystème Ousmane Sonko, au coeur de l'agitation, et son second Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle.
Différents acteurs ont cependant refusé une telle loi d'amnistie de crainte qu'elle n'efface les actes reprochés à des responsables gouvernementaux ou sécuritaires.
Ils ont rejeté comme un piège l'idée que cette amnistie fasse partie des concertations pour tenter de trouver un accord sur la date de la présidentielle.
Le président Sall a ouvert lundi ces concertations, intitulées "dialogue national", avec quelques centaines de responsables politiques, de chefs religieux et de représentants de la société civile, mais en l'absence de certains des principaux protagonistes de la crise, à commencer par 17 des 19 candidats retenus en janvier pour la présidentielle par le Conseil constitutionnel.
Le président Sall a réaffirmé sa volonté d'apaisement.
"Dans un esprit de réconciliation nationale, je saisirai l'Assemblée nationale dès ce mercredi en conseil des ministres d'un projet de loi d’amnistie générale sur les faits se rapportant aux manifestations politiques survenues entre 2021 et 2024", a-t-il dit à Diamniadio, ville nouvelle à une trentaine de kilomètres de Dakar.
"Cela permettra de pacifier l'espace politique", a-t-il dit.
Des centaines d'opposants ont déjà été libérés depuis 10 jours.
L’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), haut lieu de contestation, a rouvert lundi après des mois de fermeture consécutive à des troubles. Elle n'était cependant pas prête pour la reprise des cours, ont constaté les journalistes de l'AFP.
Le président Sall a par ailleurs affirmé son souhait d'organiser la présidentielle d'ici à juin-juillet, avant la saison des pluies, alors qu'un vaste front la réclame avant le 2 avril et la date officielle de fin de son mandat. Il a redit n'avoir aucun "agenda personnel" et a répété son engagement à quitter la présidence le 2 avril.
M. Sall s'est donné deux jours, lundi et mardi, pour qu'émerge un "consensus" sur la date de la présidentielle.
- Journée "Villes mortes" mardi -
Mais lui-même a reconnu dans son discours d'ouverture que seuls deux des 19 candidats qualifiés avaient répondu à l'invitation, dont le candidat du camp présidentiel, le Premier ministre Amadou Ba.
Un certain nombre de ces concurrents qualifiés se sont rendus lundi à la Cour constitutionnelle pour demander aux "Sages" de constater formellement le manquement du chef de l'Etat à son devoir d'organiser la présidentielle.
L'un d'eux, Cheikh Tidiane Dieye a qualifié le "dialogue national" de "théâtre" que le chef de l'Etat "aurait pu organiser au Grand théâtre" de Dakar.
Le président Sall a déclenché une onde de choc le 3 février en décrétant un report de dernière minute. L'opposition a dénoncé un "coup d'Etat constitutionnel". Des manifestations réprimées ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d'interpellations.
Le Conseil constitutionnel a mis son veto au report. Il a constaté l'impossibilité de maintenir la présidentielle le 25 février et demandé aux autorités de l'organiser "dans les meilleurs délais".
Un large front politique et citoyen s'est formé pour réclamer que l'élection ait lieu avant le 2 avril. Le collectif citoyen Aar Sunu Election ("Préservons notre élection") appelle à une journée Villes mortes dans tout le pays et une grève générale mardi.
Ce front s'inquiète des conséquences d'une vacance de la présidence sans succession établie. Le président Sall lui-même a émis des doutes sur la faisabilité d'une élection avant son départ.
D'autres l'accusent de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal pour lui à la présidentielle, soit pour s'accrocher au pouvoir au-delà du 2 avril. Ils redoutent que le "dialogue" ne serve à réexaminer les candidatures.
Le président Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, n'est pas candidat. Il a justifié le report de la présidentielle par sa crainte qu'un scrutin contesté ne provoque de nouveaux accès de violence après ceux connus en 2021 et 2023.