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Des voitures qui circulent, des magasins ouverts, des enfants qui jouent sur les balançoires... Un précaire et fragile retour à la vie normale s'est amorcé jeudi matin à Nouméa, pour la première fois après dix jours de crise en Nouvelle-Calédonie.
Dans le centre-ville de la "capitale" calédonienne, la vie semble reprendre jeudi, ont constaté des journalistes de l'AFP, au moment où Emmanuel Macron est arrivé à Nouméa pour amorcer "le plus vite possible" un retour à "la paix, au calme, à la sécurité" sur l'archipel.
Les violences qui secouent le territoire français du Pacifique sud, entre émeutes et blocages, ont fait six morts dont deux gendarmes. En cause, le dégel du corps électoral local par une réforme constitutionnelle, rejetée par le camp indépendantiste.
Jeudi, une circulation importante de véhicules a repris, là où les matinées précédentes les rues étaient largement abandonnées aux stigmates des nuits de violences, alors que l'état d'urgence reste en vigueur, tout comme le couvre-feu nocturne.
Des camions de livraison sillonnent à nouveau Nouméa et de nombreux magasins ont rouvert leurs portes, même si d'importantes files d'attente s'allongent devant certains commerces, en particulier les boulangeries, dans un centre-ville quadrillé par une présence massive des forces de l'ordre.
Plus au sud dans la capitale, des enfants jouent sur des balançoires, accompagnés de leurs parents, pendant que d'autres profitent de cette accalmie pour faire du vélo. Des scènes rarissimes depuis une semaine et la fermeture des écoles sur tout l'archipel.
- "Que la lutte continue" -
Dans le quartier populaire de Montravel, majoritairement peuplé par les communautés kanak et océanienne, le calme règne en fin de matinée jeudi, alors que les forces de l'ordre en occupent le rond-point.
Les barrages, tenus la veille par des militants indépendantistes, ont été retirés. Restent des carcasses de voitures encore fumantes.
"Si Macron retire sa loi", une réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudre sur l'archipel, "tout reviendra calme durablement", observe un trentenaire originaire de l'île d'Ouvéa, qui a refusé de décliner son identité.
Nombre d'habitants, notamment les plus jeunes, estiment que les partis politiques traditionnels, y compris indépendantistes, se sont disqualifiés et disent ne plus croire qu'en la CCAT, le collectif qui organise la contestation depuis six mois.
La nuit de mercredi à jeudi "a été calme", s'est pour sa part félicité le représentant de l'Etat français sur le territoire ultramarin, le Haut-commissaire de la République Louis Le Franc, affirmant à l'AFP qu'il n'y avait "pas eu de dégâts supplémentaires".
Signe que ce calme reste très précaire, des groupes de jeunes circulent le visage masqué, dans les rues de Montravel, avec en main des lance-pierres faits de bric et de broc.
Dans le même quartier, l'usine de l'entreprise Le Froid a été ravagée par les flammes. A l'intérieur, des murs tagués: "Que la lutte continue", ou encore "Kanaky", le nom donné à l'archipel par les partisans de l'indépendance.
La situation est encore plus tendue dans d'autres points de l'agglomération: sur la route qui relie Dumbéa, au nord, à Nouméa, de nombreux barrages filtrants et des carcasses de voitures incendiées continuent de hacher la circulation.
Sur certains, des drapeaux noirs ont été hissés en signe de deuil. Mais si le calme est provisoirement revenu, l'avenir de la réforme constitutionnelle reste dans toutes les têtes.
"Le texte pour nous, il n'existe plus puisqu'il y a des morts, ce n'est même plus un sujet de discussion", explique Lélé, une mère de famille indépendantiste de 41 ans qui dénonce le "passage en force" d'Emmanuel Macron mais assure qu'il "ne pourra pas faire passer ce texte contre notre sang".
Dans le Grand Nouméa, certains barrages se sont même renforcés dans la nuit. Les indépendantistes y ont hissé leurs drapeaux et tendu des banderoles. L'une d'elle: "Non au dégel".
cm-md-sha-tbm/mat/ber