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Provoquant la colère d'Israël, une majorité écrasante de l'Assemblée générale de l'ONU a jugé vendredi que les Palestiniens mériteraient d'être membres à part entière de l'organisation, leur octroyant quelques droits supplémentaires à défaut d'une véritable adhésion, bloquée par les Etats-Unis.
"Je me suis tenu des centaines de fois à cette tribune, souvent dans des circonstances tragiques, mais aucune comparable à ce que mon peuple vit aujourd'hui", a lancé l'ambassadeur palestinien à l'ONU Riyad Mansour.
"Je me suis tenu des centaines de fois à cette tribune, mais jamais pour un vote plus important qu'aujourd'hui, historique", a-t-il ajouté, la voix serrée par l'émotion, tandis qu'à Ramallah l'Autorité palestinienne se félicitait d'un vote qui prouve que "la Palestine (...) mérite" d'être membre à part entière.
Le Hamas a également salué la résolution, y voyant la "réaffirmation de la solidarité internationale avec notre peuple".
Cette résolution "aura un impact important sur l'avenir du peuple palestinien", même si en elle-même, elle "ne rend pas justice à l'Etat de Palestine" qui reste observateur, a de son côté souligné l'ambassadeur des Emirats arabes unis Mohamed Issa Abushahab, au nom des pays arabes.
Face à la guerre à Gaza, les Palestiniens, qui ont depuis 2012 un statut "d'Etat non membre observateur", avaient relancé début avril leur requête de 2011 réclamant de devenir un Etat membre à part entière des Nations unies.
- "Droits et privilèges" -
Pour aboutir, une telle initiative nécessite, avant un vote de l'Assemblée générale, une recommandation positive du Conseil de sécurité. Mais les Etats-Unis y ont mis leur veto le 18 avril.
Même si l'Assemblée générale ne peut court-circuiter le Conseil, les Palestiniens ont décidé de se tourner vers ses 193 Etats membres, prouvant ainsi que, sans le veto américain, ils auraient la majorité des deux-tiers nécessaire pour valider une adhésion.
La résolution présentée par les Emirats arabes unis a ainsi été adoptée par 143 voix pour, 9 contre (Etats-Unis, Israël, Hongrie, République tchèque, Argentine, Palaos, Nauru, Micronésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée) et 25 abstentions (notamment Canada, Royaume-Uni et de nombreux membres d'une Union européenne divisée, comme l'Allemagne et l'Italie).
Elle "constate que l'Etat de Palestine remplit les conditions requises pour devenir membre" de l'ONU, et "devrait donc être admis à l'Organisation". Elle demande ainsi que le Conseil de sécurité "réexamine favorablement la question".
Mais les Etats-Unis, qui s'opposent à toute reconnaissance en dehors d'un accord bilatéral entre les Palestiniens et leur allié israélien, ont prévenu vendredi que si la question retournait au Conseil, il y aurait "un résultat similaire à avril".
Dans cette perspective, le texte octroie sans attendre "à titre exceptionnel et sans que cela constitue un précédent", une série de "droits et privilèges supplémentaires" aux Palestiniens à partir de la 79e session de l'Assemblée en septembre.
- "Non productif" -
Excluant sans ambiguïté le droit de voter et d'être membre du Conseil de sécurité, cette résolution leur permettra par exemple de soumettre directement des propositions et des amendements, sans passer par un pays tiers, ou encore de siéger parmi les Etats membres par ordre alphabétique.
Même si ces mesures sont largement symboliques, "c'est le symbole qui est important", a commenté Richard Gowan, analyste à l'International Crisis Group, évoquant un "message clair" ainsi envoyé aux Israéliens et aux Américains.
Israël, dont le gouvernement rejette la solution à deux Etats, a d'ailleurs fustigé la résolution.
"Le message que l'ONU envoie à une région emplie de douleur est: la violence paie", a dénoncé sur X le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz.
"Cela me rend malade", a déclaré de son côté l'ambassadeur israélien Gilad Erdan à la tribune de l'ONU. "Avec ce nouveau précédent, nous pourrions voir ici des représentants de Daech ou Boko Haram siéger parmi nous".
"Vous réduisez la Charte en lambeaux, honte à vous!", a-t-il lancé, joignant le geste à la parole en passant le texte de la charte de l'ONU dans une déchiqueteuse.
Les Etats-Unis ont largement exprimé leurs réserves sur le texte que leur ambassadeur adjoint à l'ONU Robert Wood a qualifié de "non productif".
"Des mesures unilatérales à l'ONU et sur le terrain" ne permettront pas d'avancer vers une paix durable et une solution à deux Etats, a-t-il estimé, assurant toutefois que le vote américain contre le texte "ne signifie pas une opposition à un Etat palestinien".
"Il est temps de se mobiliser pour une solution politique", a de son côté plaidé l'ambassadeur français Nicolas de Rivière, qui a voté pour cette résolution comme il l'avait fait au Conseil de sécurité pour l'adhésion pleine et entière.