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La plus haute juridiction de l'ONU a ordonné vendredi à l'Azerbaïdjan de permettre un retour "en toute sécurité" des habitants du Haut-Karabakh, territoire disputé dont Bakou a repris le contrôle en septembre dernier lors d'une offensive éclair qui a déclenché l'exode de la population vers l'Arménie.
"La République d’Azerbaïdjan doit… veiller à ce que toute personne qui aurait quitté le Haut-Karabakh après le 19 septembre 2023 et qui souhaiterait y retourner soit en mesure de le faire en toute sécurité, librement et rapidement", a statué la Cour internationale de Justice (CIJ), saisie par l'Arménie.
Conséquence directe de l'offensive, la quasi-totalité de la population arménienne avait quitté la république autoproclamée du Haut-Karabakh, qui a annoncé sa dissolution au 1er janvier 2024.
En quelques jours seulement, la majorité des 120.000 habitants ont fui vers l'Arménie le long de l'étroit corridor de Latchine, dans des scènes chaotiques.
Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a assisté la semaine dernière à un défilé militaire à Khankendi, la principale ville, que les Arméniens avaient baptisée Stepanakert, au cours duquel des drapeaux azerbaïdjanais bleu-rouge-vert ont été hissés.
L'Arménie avait déposé une requête auprès de la CIJ pour obtenir que l'Azerbaïdjan mette fin à toute action "visant à (...) déplacer les Arméniens restants du Haut-Karabakh", et permette le retour sûr des populations déplacées.
Juste après l'offensive menée par Bakou, la région était complètement déserte, la grande majorité des Arméniens ayant déjà fui, avait constaté une équipe de l'AFP qui s'était rendue sur place.
La cour a également sommé Bakou de "veiller à ce que toute personne qui serait restée au Haut-Karabakh après le 19 septembre 2023 et qui souhaiterait en partir soit en mesure de le faire en toute sécurité, librement et rapidement".
- "Nettoyage ethnique" -
Lors des audiences du 12 octobre devant le tribunal de La Haye, les deux parties se sont affrontées sur ce que l'Arménie a qualifié de "nettoyage ethnique" du Haut-Karabakh.
"Bien qu'ils aient constitué pendant des millénaires la grande majorité de la population du Haut-Karabakh, il ne reste aujourd'hui presque plus d'Arméniens dans cette région", avait alors déclaré Yeghishe Kirakosyan, représentant de l'Arménie auprès de la CIJ.
"Si ce n'est pas du nettoyage ethnique, je ne sais pas ce que c'est", a-t-il fait valoir.
La CIJ "a encore le temps d'empêcher que le déplacement forcé des populations arméniennes ne devienne irréversible" et de "protéger les très rares Arméniens qui restent au Haut-Karabakh", a-t-il ajouté.
Répondant au nom de l'Azerbaïdjan, le représentant Elnur Mammadov a rejeté des accusations "infondées". Elles "ne reflètent pas la réalité de ce qui s'est réellement passé au Karabakh", a-t-il ajouté.
"L'Azerbaïdjan ne s'est pas engagé et ne s'engagera pas dans un nettoyage ethnique ou dans une quelconque forme d'attaque contre la population civile du Karabakh", a-t-il assuré.
Bakou a affirmé à plusieurs reprises qu'il encourageait en fait les Arméniens à rentrer et qu'il leur permettrait de passer en toute sécurité.
- Voisins ennemis du Caucase -
Après la fin de l'Empire russe, cette région montagneuse peuplée essentiellement d'Arméniens, qui la considèrent comme ancestrale, s'est trouvée dans les frontières de l'Azerbaïdjan. Elle a proclamé unilatéralement son indépendance en 1991 après la chute de l'Union soviétique, avec le soutien de l'Arménie.
Les séparatistes du Haut-Karabakh se sont opposés pendant plus de trois décennies à Bakou, notamment lors de deux guerres entre 1988 et 1994 et à l'automne 2020. La communauté internationale n'a jamais reconnu la république autoproclamée.
La CIJ juge les différends entre les Etats. Ses décisions sont sans appel, mais elle n'a aucun moyen de les faire appliquer.
Les pourparlers menés sous médiation internationale en vue de parvenir à un accord de paix global entre les voisins ennemis du Caucase n'ont jusqu'à présent pas abouti à des avancées décisives.