Partager:
Il y a encore "des dizaines et des dizaines" de personnes portées disparues dans le sud-est de l'Espagne, plus de 48 heures après des inondations dramatiques qui ont déjà fait au moins 205 morts.
Au moins 205 personnes ont péri dans les inondations qui ont ravagé cette semaine le sud-est de l'Espagne, selon un nouveau bilan provisoire des services de secours.
"À l'heure actuelle, et de manière provisoire, le nombre de victimes est de 202 personnes" pour la seule région de Valence, selon un communiqué des services de secours de cette région, de loin la plus endeuillée par la tragédie. Deux autres décès ont également eu lieu dans la région voisine de Castille-La Manche et un en Andalousie, tandis que de très nombreuses personnes, dont le nombre n'est pas connu, sont toujours portées disparues.
Jeudi soir, lors d'une conférence de presse, le ministre de la Politique territoriale, Ángel Víctor Torres, avait annoncé un décompte de 158 morts (bilan donc revu à la hausse ce vendredi), "auquel s'ajoutent des dizaines et des dizaines de disparus", a-t-il déclaré.
Le précédent bilan, qui datait de mercredi soir, faisait état de 95 morts, mais les autorités n'avaient pas caché qu'il fallait s'attendre au pire, sans toutefois donner d'indication sur le nombre de personnes portées disparues.
Sur le terrain, le soleil est revenu, produisant un contraste frappant avec le spectacle de désolation qu'offrent toutes les localités de la zone.
Et pendant que les opérations se poursuivent pour retrouver des victimes et d'éventuels survivants, une grande partie de la population se sent abandonnée et prise au dépourvu. C'est notamment le cas à Godelleta. "Tout est détruit, l'eau est montée jusque là. Et regardez la cuisine, si vous arrivez à la voir, regardez". Rosa, une habitante, oscille entre désespoir et colère. L'Espagnole a tout perdu dans les inondations. Pour elle, les autorités sont en partie responsables.
"La province a été imprudente. C'est la troisième fois que ça se passe ici et cette fois, c'est très grave. Ils ne mettent aucun moyen. Tout ce qu'ils font quand il y a des pluies comme ça, c'est de nous abandonner", déplore-t-elle.
Face au retour annoncé de la pluie, les habitants de ce village se sentent impuissants et redoutent le pire, alors que la protection civile tarde à arriver. "Je sais que beaucoup ne savent pas où sont leurs proches. J'ai conscience de la douleur des gens. Je suis reconnaissante d'être en vie, mais ça ne doit pas enlever la responsabilité de ceux qui nous font croire qu'ils nous soutiennent pour être élus. Mais quand vient l'heure de vérité, ils ne sont pas là", témoigne une autre sinistrée.
La course contre la montre se poursuit pour tenter de retrouver des victimes et pour porter secours aux habitants, toujours piégés par les eaux, qui se retrouvent coupés du monde. En guise de renfort, 500 militaires complémentaires sont déployés. Ils sont particulièrement attendus à Utiel, l'une des villes les plus touchées par la catastrophe.
La solidarité s'organise et des centaines de bénévoles s'affluent pour proposer leur aide, même si la circulation dans la région reste très chaotique, vu le nombre de routes et de ponts impraticables.
Une année de précipitations
Selon l'Aemet, plus de 300 litres d'eau par mètre carré (soit 30 cm) sont tombés dans la nuit de mardi à mercredi dans plusieurs villes de la région de Valence, avec une pointe à 491 litres/m2 (49,1 cm) dans le petit village de Chiva. C'est l'équivalent "d'une année de précipitations", a-t-elle précisé.
La région de Valence et la côte méditerranéenne espagnole en général subissent régulièrement, en automne, le phénomène dit de la "gota fria" (la "goutte froide"), une dépression isolée en haute altitude qui provoque des pluies soudaines et extrêmement violentes, parfois pendant plusieurs jours.
Mais le phénomène n'avait jamais atteint une telle ampleur. "La pire goutte froide du siècle", titrait ainsi en première page le quotidien El País.
Dans une première analyse, les scientifiques du World Weather Attribution, un réseau de référence qui étudie le lien entre des phénomènes météorologiques extrêmes et le changement climatique, ont estimé jeudi que "le changement climatique est l'explication la plus probable" à la violence des intempéries en Espagne.
Selon cette analyse, les pluies diluviennes qui ont frappé l'Espagne ont été 12% plus importantes et deux fois plus probables que si le climat ne s'était pas réchauffé.