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La cour d'assises du Bas-Rhin juge mardi et mercredi un homme de 45 ans qui a étranglé son ex-compagne en décembre 2020 sous les yeux de leurs enfants, après des années de violences conjugales jamais traitées par les autorités.
Parmi les premiers témoignages entendus mardi matin, celui de l'assistante de service social qui accompagnait la victime, Yasemine Cetindag, dans sa demande de RSA et d'accueil en foyer parental, permet d'en savoir plus sur la relation "toxique" qui l'unissait à un homme de 15 ans de plus qu'elle.
"Je pense que c'était une personne sous emprise", avance à la barre la travailleuse sociale, "un phénomène qui passe par des phases d'apaisement, d'amour, puis des phases de crise. Dans ces situations il faut être réactif et le temps des institutions n'est pas toujours le temps de la personne", regrette-t-elle, pour expliquer pourquoi les demandes de placement en résidence n'ont jamais abouti.
Elle se souvient avoir visité l'appartement du couple, en janvier 2020, soit onze mois avant la mort de la jeune femme. "Le domicile portait tous les stigmates de la violence, toutes les portes étaient défoncées", se remémore-t-elle. "Elle me disait que c'était lui l'auteur des coups".
A cette époque, elle l'avait accompagnée pour porter plainte, procédure qui avait abouti à un simple rappel à la loi à l'encontre du compagnon violent. Au commissariat pourtant, trois précédentes plaintes avaient été déposées par la victime depuis 2016 -chacune rapidement retirée- ainsi que 13 mains courantes.
Si ces violences n'ont jamais donné lieu à d'autres procédures par les autorités, elles étaient connues dans le quartier.
- "Elle m'interdisait de travailler" -
"Ça gueulait, il y avait de fortes disputes, ça s'entendait dans toute la cité", a exposé l'un des employés du bailleur social, régulièrement alerté par les voisins. Il se souvient que la victime "voulait changer d'appartement", évoquant des craintes "d'atteinte à son intégrité physique", mais que le dossier n'avait "pas encore abouti".
L'accusé - qui n'est pas nommé afin de ne pas permettre d'identifier ses enfants - reprend également "l'emprise" à son compte, pour décrire l'évolution de sa place dans la relation de couple, nouée dès 2011 alors que la jeune femme n'avait que 16 ans.
"Elle ne m'a jamais laissé travailler, elle m'interdisait de travailler", soutien l'accusé, alors même que son dernier employeur, patron d'une entreprise de bardage et étanchéité pour qui il avait travaillé deux mois en 2020, le décrit comme un salarié "jovial, toujours partant et motivé, agréable avec ses collègues".
Le couple a eu quatre enfants de manière très rapprochée, nés entre 2013 et 2018, et la jeune mère "galérait" pour s'en occuper, assure l'accusé. "Alors on s'organisait selon son programme à elle, je disais oui à tout", assure-t-il pour justifier ses démissions et ses années d'inactivité.
"Je sais que ce n'est pas bien ce que j'ai fait en arrêtant le travail", poursuit-il, exprimant son désir contrarié d'être à la fois un "père investi" et sa volonté de "faire partie du système" et de "payer des impôts".
- "Montagnes russes" -
Confronté à des disputes presque quotidiennes au cours desquelles s'échangeaient menaces et insultes, le couple s'était séparé à de multiples reprises, mais "jamais définitivement".
"Tous les deux jours elle me rappelait", soutient l'homme en blouson noir dans le box. "On ne savait même plus où on en était: trois jours on était ensemble, trois jours on n'était plus ensemble... C'était les montagnes russes".
Pour les enquêteurs, le meurtre a eu lieu dans un contexte où la séparation semblait davantage définitive, et où la victime avait pris la peine de changer les serrures de son logement afin d'empêcher à son ex-compagnon d'y revenir.
A l'issue d'une nouvelle dispute violente, au matin du 23 décembre 2020, il avait étranglé la jeune femme sous les yeux de leurs enfants, avant d'enterrer son corps dans une forêt au nord de Strasbourg.
Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.