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Pompier, artisan, ex-policier, électricien ou encore journaliste: les 51 accusés au procès des viols d'une femme à Mazan (Vaucluse) ne souffrent d'aucune pathologie psychique notable, selon des experts, qui pointent toutefois leur sentiment de "toute-puissance" sur le corps féminin.
"Il n'y a pas de profil type du violeur. Le violeur, c'est Monsieur Tout-le-Monde", explique à l'AFP Véronique Le Goaziou, chercheuse associée au Laboratoire méditerranéen de sociologie, spécialiste des violences sexuelles.
Ce procès des viols de Mazan est par contre un "type d'affaire extrêmement rare", décrit-elle: pour l'âge des deux protagonistes principaux --un couple d'une soixantaine d'années ensemble depuis 1971--, pour son mode opératoire --l'époux droguant sa femme pour la rendre inconsciente et invitant d'autres hommes à en abuser, sans contrepartie financière--, et pour le nombre d'accusés.
Parmi ceux qui comparaîtront, lundi, devant la cour criminelle de Vaucluse, des hommes âgés de 21 à 68 ans lors de la découverte des faits, commis de 2011 à 2020, trois catégories émergent: le mari, "organisateur" des 92 faits de viols ; ceux soupçonnés de s'être rendus une seule fois au domicile du couple ; et ceux venus plusieurs fois.
"La première réaction qui va venir à la bouche de beaucoup sera +c'est un grand malade+, +c'est un fou+. Pas sûr du tout. La part des auteurs de viols pour lesquels on arrive à diagnostiquer une véritable pathologie mentale est infime", estime Mme Le Goaziou à propos du principal accusé.
Aujourd'hui âgé de 71 ans, Dominique P., ex-salarié d'EDF, ne souffre "d'aucune pathologie ou d'anomalie mentale" mais d'une "déviance sexuelle ou paraphilie de type voyeurisme", selon plusieurs examens psychiatriques réalisés lors de l'enquête. Il y est qualifié de "patriarche", "manipulateur" doté d'une personnalité "perverse", utilisant sa femme comme "appât".
- "Scénario" libertin ou viol ? -
Lors de ses auditions, il a expliqué retirer "du plaisir" à voir son épouse forcée à effectuer des actes qu'elle refusait habituellement.
"Le fait de soumettre quelqu'un peut susciter un formidable sentiment de toute-puissance et de pouvoir sur un être plus faible, ou qu'on domine. C'est un sentiment de domination masculine", souligne Véronique Le Goaziou.
Affirmant avoir été lui-même violé à l'âge de neuf ans, par un infirmier, l'accusé principal a exprimé ses regrets aux enquêteurs, affirmant avoir été "pris dans une addiction" l'empêchant d'arrêter.
A ses côtés comparaîtront plusieurs dizaines d'hommes soupçonnés de s'être rendus individuellement au domicile du couple, après une prise de contact préalable sur un forum échangiste.
Des Vauclusiens principalement, au casier judiciaire vierge et souvent en couple, voire pères. Plusieurs de leurs compagnes décrivent des conjoints "aimants", avec des "pratiques sexuelles normales". Adeptes de relations adultérines, ils présentaient pourtant un "attrait pour le sexe" marqué, parfois pour "pallier un sentiment de vide existentiel", selon les experts.
Deux versions divergent entre accusés: une grande majorité prétend que Dominique P. présentait un "scénario", où son épouse ferait mine de dormir pendant qu'un inconnu lui ferait l'amour ; jamais le fait qu'elle soit droguée, et donc inconsciente, ne leur aurait été présenté.
A l'opposé, une poignée reconnaît avoir agi en connaissance de cause, une version corroborée par le mari et plusieurs conversations privées sur le forum.
- "Rapport de soumission" -
Totalement inerte sur les vidéos, la victime subira toutes sortes de viols des hommes mis en accusation. Seuls quelques-uns questionnent le mari sur la passivité de l'épouse, trouvant "bizarre" qu'elle ne réagisse pas.
"La +somnologie+ à un tel degré pourrait évoquer la nécrophilie", témoigne un expert, "chaque individu disposait de son libre arbitre afin de cesser ses agissements et quitter les lieux". Seuls trois l'auraient fait.
"Par définition, quand on passe à l'acte, on ne se pose pas de questions sur le consentement. Le passage à l'acte, c'est justement le fait de n'être pas arrêté, par soi-même, par la barrière de la conscience, de l'interdit, du surmoi, du contrôle social ou des lois", analyse Véronique Le Goaziou.
Cette question de savoir si les +visiteurs+ étaient préalablement au courant que l'épouse était inconsciente sera centrale lors du procès. Mais il sera difficilement tenable pour les "récidivistes", les 10 accusés revenus jusqu'à six fois pour certains, de soutenir qu'ils ne savaient pas.
"On est dans le rapport de soumission, dans le jeu de pouvoir, dans la toute-puissance, dans le pétage de verrou, dans l'exultation de soi. On peut dire de tout ça que c'est du patriarcat", juge la sociologue.