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En France, le Premier ministre va probablement activer ce lundi l'article 49.3 qui permet d'adopter un texte sans vote pour faire passer le financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, la gauche a déjà prévenu qu'elle déposerait une motion de censure. Si jamais elle était votée aussi par le Rassemblement national, le gouvernement pourrait tomber dès mercredi.
Et pourtant, je vais tenter une prophétie. Lundi prochain, dans une semaine, quoi qu'il arrive, le Premier ministre français s'appellera Michel Barnier. Le tout est de savoir s'il le sera de plein exercice ou simplement en affaires courantes. Alors oui, on entend ça depuis des semaines: Marine Le Pen pourrait mêler ses voix à celles de la gauche pour faire tomber le gouvernement.
Elle a posé un ultimatum au Premier ministre qui lui a fait deux concessions: il a supprimé l'augmentation des taxes sur l'électricité et il a accepté de baisser le niveau de l'aide médicale d'urgence dont bénéficiaient les étrangers. Mais son ministre des Finances l'a dit ce week-end, il n'ira pas plus loin. Sous-entendu, il n'est pas, contrairement à ce que tout le monde dit, l'otage de Marine Le Pen.
C'est un caractère, Michel Barnier. Il a 50 ans de vie politique derrière lui et il ne faudrait pas résumer son parcours à l'organisation des Jeux olympiques d'Albertville et à la négociation du Brexit. C'est ce qu'on appelle un homme d'État. Et ils se font rares en France. C'est pourquoi, plutôt que de détricoter son budget, austère mais nécessaire, le Premier ministre en appelle à l'opinion publique.
À la télévision, mais aussi dans les journaux, il explique quelles seraient les conséquences du rejet de sa loi de finances. Certes, en France, il n'y a pas de risque de shutdown comme aux États-Unis. Les agents de l'État continueraient à être payés et le pays de fonctionner avec ce qu'on appelle en Belgique les douzièmes provisoires.
Un mariage impossible
En 2025, le gouvernement pourrait, mois après mois, reconduire le budget de 2024. Mais tous les projets envisagés resteraient dans les cartons. Comme par exemple les aides à la Nouvelle-Calédonie ravagée par des émeutes ou même les primes promises aux policiers et aux gendarmes après leur mobilisation pendant les Jeux olympiques. Et puis, pas de recrutement d'enseignants à la rentrée, etc.
Quant à l'Assemblée nationale, elle sera toujours la même puisque le président de la République ne pourra pas la dissoudre avant juillet. Donc, même renversé, Michel Barnier pourrait rester à Matignon et assurer les affaires courantes pendant une durée indéterminée comme le fait Alexander De Croo en Belgique.
De surcroît, quand on censure un gouvernement dans une démocratie, c'est pour lui substituer une autre majorité. Or, s'ils peuvent se rejoindre pour renverser Barnier, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ne vont pas gouverner ensemble. Ce serait le mariage de la carpe et du lapin. Et ça, biologiquement, ça marche pas.