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La Nouvelle-Calédonie, ce territoire français du Pacifique où l'histoire fait ces derniers jours un terrible retour en arrière. On se croirait revenu aux événements de 1988 qui avaient fait plusieurs morts. Ce lundi, des émeutes ont secoué toute l'île avec de gros dégâts à conséquences. Les autorités ont décrété un couvre-feu et Paris a envoyé des renforts de police.
La Nouvelle-Calédonie est un archipel dont la plus grande île est comme un long cigare de 400 km de long. Le territoire fait 19 000 km², mais il n'est peuplé que de 270 000 habitants. Ces derniers sont divisés à peu près en parts égales entre deux communautés, les Kanaks, un peuple mélanésien, et les Caldoches, les descendants des colons français. Il y a aussi un nombre non-négligeable de Français originaires de métropole.
Dans les années 80, les Kanaks ont déclenché une lutte intense pour l'indépendance. La crise a culminé en avril 1988, avec la prise en otage d'un groupe de gendarmes dans la grotte d'Ouvéa. Paris a fait donner l'assaut, après 15 jours de siège. Bilan: deux gendarmes et 19 Kanaks tués. On était au bord de la guerre civile. C'est alors que le Premier ministre Michel Rocard a eu l'intelligence de monter une mission du dialogue, qui a abouti à deux accords, l'un dit de Matignon en 1988, et l'autre de Nouméa en 1998.
Ils organisaient sur 30 ans le transfert de l'essentiel des compétences aux provinces locales, avec un grand plan de redressement économique en faveur des Kanaks. Ils prévoyaient également trois référendums sur l'indépendance. Le plan a été respecté, la paix est revenue. Mais on est à la fin du processus. Les trois référendums se sont tenus, et ont tous donné la victoire aux non-indépendantistes.
Mais les Kanaks ne reconnaissent pas le dernier d'entre eux qu'ils ont boycotté. Les accords de Nouméa prévoyaient un gel du corps électoral, limitant le droit de vote local aux habitants installés dans l'île avant 1998.
L'objectif était de protéger les Kanaks d'un afflux de Français de France qui les aurait submergés. On estime les nouveaux arrivés à environ 25 000. Trente ans après les accords, ils réclament le droit de vote, au moins pour ceux installés depuis dix ans. Le Parlement français doit voter un texte en ce sens, aujourd'hui.
C'est ce qui a déclenché les émeutes d'hier. Plus de 20 commerces et bâtiments publics ont été détruits. La situation peut exploser à tout moment. Sur place, il est 16h. Le couvre-feu commence à 18h. Sera-t-il respecté ? L'île aurait inspiré la chanson "Le Sud" de Nino Ferrer qui a passé son enfance. On pourrait, disait-il, y vivre plus d'un million d'années. Et toujours en été. Mais aussi, un jour ou l'autre, il faudra qu'il y ait la guerre. On dit, c'est le destin. Espérons qu'il s'est trompé.