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L'élève qui a poignardé sa professeure d'espagnol mercredi à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) a été mis en examen pour assassinat et placé en détention provisoire, a annoncé vendredi son avocat Me Thierry Sagardoytho. Il va être incarcéré "dans un lieu dont la destination doit être tenue confidentielle", a-t-il ajouté après la présentation aux magistrats de l'adolescent de 16 ans. "C'est un établissement qui prendra en compte et sa jeunesse, et les soins dont il a besoin."
La prise en charge était-elle adaptée ?
Me Thierry Sagardoytho en dit plus sur le profil de l'adolescent : "Un garçon qui est décrit comme parfaitement intégré, comme proche des siens ; qui, certes, faisait l'objet de traitements anti-dépressifs depuis maintenant quelques mois suite à une tentative de suicide qui questionne, qui questionne considérablement au regard de ce qui lui est aujourd'hui reproché. La prise en charge était-elle adaptée ? Des signes avant-coureurs ont-ils été décelés ? Visiblement non. Son discernement, est-il plein ? Est-il entier ou est-il au contraire aboli ou ou éventuellement altéré ? Ce sont les pistes sur lesquelles il va falloir travailler. Mais il faudra aller bien au-delà de l'examen sommaire qui a pu être diligenté hier. Ils habitent ce bassin territorial. Ils sont évidemment écrasés et écrasés et c'est la raison pour laquelle j'incline tout le monde à la retenue et à la responsabilité. Laissons la justice avancer, laissons et essayons de comprendre avant de tirer des conclusions hâtives."
L'audition du jeune homme avait commencé à la mi-journée au tribunal de Bayonne après la fin de la garde à vue de cet adolescent de 16 ans, qui jusque-là n'était pas connu de la justice et avait de bons résultats scolaires, sauf en espagnol, selon le procureur de la République Jérôme Bourrier.
Le collège-lycée Saint-Thomas d'Aquin de Saint-Jean-de-Luz "essaie de reprendre une vie normale" vendredi, deux jours après la mort de l'enseignante.
Vendredi matin, à 08H00, les élèves du collège-lycée Saint-Thomas d'Aquin ont à nouveau afflué vers l'établissement, à l'heure de l'ouverture du portail, sous les yeux de trois policiers postés à l'entrée. De rares élèves avaient une fleur à la main.
"Tous les élèves reviennent aujourd'hui, dans une ambiance toujours très recueillie et un soutien toujours en place, avec la médecine scolaire et les psychologues de l'Education nationale. La cellule d'urgence d'aide psychologique se tient aussi à disposition, pour revenir si besoin", a fait savoir Vincent Destais, directeur diocésain de l'enseignement catholique de Bayonne.
"On essaie de reprendre une vie normale et des enseignements dans la mesure du possible avec les élèves", a-t-il également déclaré à une correspondante de l'AFP.
"Une petite voix"
Selon le procureur, le garçon "a mis en avant une petite voix qui lui parle (...), qui l'incite à faire le mal et qui lui aurait suggéré la veille de commettre un assassinat".
Il a estimé qu'en l'état actuel des investigations, le mineur "apparaissait accessible à une responsabilité pénale".
Car si un premier examen psychiatrique a révélé "une forme d'anxiété réactionnelle pouvant perturber son discernement" et "des éléments de dépression", "aucune maladie mentale de type schizophrénie, état maniaque, mélancolie ou retard mental, ni décompensation psychiatrique aigüe" n'ont été décelées à cette heure, selon la même source.
Cet élève de seconde était en cours d'espagnol mercredi quand il a poignardé sa professeure, Agnès Lassalle, 52 ans, avec un couteau de cuisine caché dans un rouleau de papier essuie-tout.
"Suivi par un médecin psychiatre", le lycéen avait fait en octobre "une tentative de suicide médicamenteuse et faisait depuis l'objet d'une prescription d'antidépresseurs", a précisé le procureur.
Une prof "très dévouée"
L'adolescent a évoqué des "faits de harcèlement" subis dans son précédent établissement, un collège public de la ville, "une dispute" la veille avec un camarade et a également admis "une forme d'animosité à l'égard de sa professeure d'espagnol".
Une minute de silence a été observée jeudi après-midi dans les collèges et lycées qui ne sont pas en vacances. La mort de cette enseignante en salle de classe a bouleversé la communauté éducative, un peu plus de deux ans après l'assassinat de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie décapité par un jeune islamiste radicalisé.
Le ministre de l'Education Pap Ndiaye, qui a respecté ce temps de recueillement avec les élèves d'un collège d'Albertville, a décrit Mme Lassalle comme "très dévouée".
Elle "adorait ses élèves, aimait son boulot", a de son côté témoigné Stéphane, le compagnon de Mme Lassalle au micro de France Inter. "Et elle était adorée d'eux, il y avait vraiment une relation." Rudy, élève de 3e interrogé par l'AFP, a décrit lui aussi Mme Lassalle comme une "prof très gentille", "à l'écoute".
Une cellule d'urgence médico-psychologique a été chargée d'"accompagner" les élèves qui en ressentent le besoin, de les "rassurer" et les "réancrer dans la réalité", selon sa responsable, Elorri Amestoy, médecin aux urgences psychiatriques de l'hôpital de Bayonne.
Les agressions contre des professeurs sont fréquentes en France, mais l'AFP a recensé moins d'une dizaine de meurtres sur les quatre dernières décennies.