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"Personne ne l'a emporté aux législatives". Emmanuel Macron a demandé mercredi aux "forces politiques républicaines" de "bâtir une majorité solide" pour gouverner, scandalisant la gauche qui continue de revendiquer le gouvernement.
Sortant de son silence trois jours après le second tour des législatives, bien que parti dans la matinée à Washington pour un sommet de l'Otan, le président s'est adressé aux Français dans une lettre publiée par la presse quotidienne régionale.
"Personne ne l'a emporté dimanche", selon le chef de l’État. Il faut donc "inventer une nouvelle culture politique" face à la coexistence inédite de trois blocs dans l'hémicycle: le Nouveau Front populaire, le bloc macroniste et le Rassemblement national.
Appelant les partis à se donner "un peu de temps" pour se mettre d'accord autour de "quelques grands principes pour le pays" et de "valeurs républicaines claires", M. Macron explique qu'à l'issue de ces discussions, il "décidera de la nomination du Premier ministre".
Fin de recevoir scandalisée de la gauche, arrivée en tête, bien que loin de la majorité absolue. "Le président de la République doit respecter son devoir de républicain, respecter le suffrage universel et respecter le vote des Français", a répondu le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, mercredi soir sur France 2.
"C'est le retour du droit de veto royal sur le suffrage universel (...) C'est le retour des intrigues de la IVe République", a dénoncé le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
Au sein du Nouveau front populaire, les négociations ont repris mercredi, afin de parvenir le plus rapidement possible à soumettre au chef de l'Etat un nom pour Matignon.
-Affaires courantes-
Dans sa lettre aux Français, le président laisse également entendre que le gouvernement de Gabriel Attal, dont il a demandé le maintien lundi, sera prochainement "en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine".
Dix-huit membres du gouvernement ont été élus dans la nouvelle Assemblée nationale, qui se réunit à partir de jeudi 18 juillet. Des voix qui pourraient dangereusement manquer à l'ouverture des travaux.
Une hypothèse, évoquée selon plusieurs sources par Emmanuel Moulin le directeur de cabinet du Premier ministre, serait que le gouvernement Attal démissionne donc au plus tard le 17 juillet, potentiellement après un dernier Conseil des ministre.
Emmanuel Macron pourrait alors décider de maintenir ce gouvernement un certain temps pour qu'il expédie "les affaires courantes", notamment pendant les JO. "Lunaire", pour Olivier Faure.
"Que le gouvernement qui ait préparé ces jeux, qui soit garant de la sécurité des Français notamment, et de la bonne organisation, reste pour administrer ces affaires-là, je trouve ça très bien", juge au contraire la présidente macroniste de l'Assemblée sortante, Yaël Braun-Pivet.
Une stratégie présidentielle qui n'est pas vraiment celle recommandée par le plus ancien allié d'Emmanuel Macron, François Bayrou. Auprès de l'AFP, le président du MoDem a plaidé mercredi non pas pour "des accords préalables" entre partis mais à ce que d'abord, "le président nomme un Premier ministre".
-LR prêt au "pacte" ?-
La volonté de l’Élysée suppose aussi une entente avec la droite. De retour à l'Assemblée et élu mercredi à la présidence du groupe nouvellement baptisé "La Droite républicaine", Laurent Wauquiez s'est dit ouvert à un "pacte législatif".
Mais "nous ne participerons pas à des coalitions gouvernementales", a-t-il prévenu, alors que plusieurs membres de son camp, comme Olivier Marleix ou Xavier Bertrand, ont revendiqué Matignon pour leur famille politique.
Dans le camp présidentiel aussi, les dissensions existent. Le groupe Renaissance plaide pour une "coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement". Certains, menés notamment par Gérald Darmanin, appuient cette solution à droite. Lundi, Édouard Philippe avait plaidé pour un "accord technique" avec son ancien parti.
Désaccord de François Bayrou, pour qui "on ne peut faire un gouvernement d'union nationale avec un seul camp".
Même au sein de Renaissance, l'aile gauche voit plus large. Sacha Houlié, marcheur de la première heure et ex-président de la commission des Lois, a annoncé qu'il ne "siégera pas" au groupe, préférant tenter d'en créer un "qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste".
Face à ces tractations tous azimuts, Marine Le Pen, qui faisait sa rentrée parlementaire avec ses quelque 140 députés RN, s'est insurgée contre le "bourbier" consécutif à la dissolution.
La lettre aux Français du président? Un "cirque indigne", a-t-elle commenté. "Emmanuel Macron propose de faire barrage à LFI, qu'il a contribué à faire élire il y a trois jours et grâce à qui les députés Renaissance ont été élus, il y a également trois jours".