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"Qu'il se taise !" : Emmanuel Macron se retrouve dos au mur, après la claque du premier tour des législatives, contraint de compter ses mots et ses apparitions au risque d'enfoncer un peu plus son camp.
Pour une cadre macroniste de la campagne, à l'heure des choix de l'entre-deux-tours, mieux vaut qu'il se tienne à distance.
"Je ne suis pas sûre qu'aujourd'hui, si le président appelle un candidat pour lui demander de se retirer, ça ait un impact", lâche-t-elle.
Même constat du côté des électeurs, où la parole présidentielle paraît presque démonétisée, sept ans après l'élection d'Emmanuel Macron sur des appels au "dépassement" politique et au "ni gauche, ni droite".
"Il est plutôt un repoussoir pour son propre électorat dont une partie, aujourd'hui, est très rétive à l'entendre", relève Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université de Paris 2.
Depuis dimanche soir, ses messages sont distillés au compte-gouttes, par entourage interposé, les prises de parole devant les caméras revenant au Premier ministre Gabriel Attal.
Dans une de ses rares apparitions publiques, le chef de l'Etat, déambulant en blouson de cuir et lunettes de soleil à la "Top gun" au Touquet, où il votait, a d'ailleurs aussitôt été décrié. "Provocation", ont lancé des internautes.
"Il ne faut pas se tromper. C'est l’extrême droite qui est en passe d’accéder aux plus hautes fonctions, personne d’autre. Pas une voix ne doit aller à l’extrême droite", a-t-il asséné lundi devant ses ministres, selon un participant.
- "Jeux d'appareils" -
Emmanuel Macron, qui avait tiré à boulets rouges sur l'"extrême gauche" avant le premier tour, appelle désormais à des désistements tous azimuts pour faire barrage au Rassemblement national.
Sans jamais citer La France insoumise (LFI), il n'exclut pas non plus des retraits en faveur de ses candidats s'ils sont "clairement démocrates et républicains".
"Il faut se souvenir qu'en 2017 et 2022, en face, à gauche, tout le monde a porté ce message. Sans cela vôtre serviteur et vous ne serions pas là", a-t-il martelé devant ses ministres.
Le message - volontairement ambigu ? - divise son camp, l'ex-Premier ministre Edouard Philippe comme le ministre de l'Economie Bruno Lemaire excluant tout désistement en faveur de LFI.
"Le président ne rentre pas dans les jeux d'appareil", rétorque un proche. "Il dit juste la ligne: république, démocratie vs RN. Le reste c'est aux partis et aux responsables de la campagne de le faire".
Le message présidentiel peut être aussi interprété diversement chez ceux susceptibles, à droite et à gauche, de voter au second tour pour les candidats macronistes.
"Dans quelle mesure les électeurs centristes vont-ils suivre les consignes ? ", renchérit Vincent Martigny, politologue à l'université Nice Côte d'Azur et à l'Ecole polytechnique.
Les Insoumis restent un épouvantail pour nombre d'électeurs de droite et du centre, de même parfois aussi que leurs alliés socialistes, écologistes et communistes au sein du Nouveau Front populaire (NFP).
- "Très abîmé" -
"Une moitié des électeurs Renaissance peut voter pour le NFP, une moitié s’abstenir", estime Vincent Martigny.
Pour le président, la partie s'annonce aussi très serrée après le 7 juillet, qu'il entre en cohabitation frontale avec le RN ou compose avec un gouvernement minoritaire et technique, les deux scénarios les plus probables.
"D'un point de vue juridique, il va être très +borné+. Il peut procéder à des nominations, mais avec l'aval du Premier ministre, et a essentiellement un pouvoir d'empêcher en cas de cohabitation", pointe Benjamin Morel. Avec, outre la dissolution, les pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave menaçant la Nation.
Face à un gouvernement technique, il pourra plus facilement exister sur la scène internationale en invoquant son "domaine réservé" en matière de politique étrangère et de défense.
A la différence des cohabitations précédentes, il ne peut en revanche pas se représenter en 2027, ce qui réduit d'autant sa marge de manoeuvre, alors que les candidats potentiels à sa succession affûtent déjà leurs armes.
"Il est responsable de sa situation à travers la dissolution, est très abîmé dans l'opinion et n'a plus de troupes", observe Benjamin Morel.
"Tout le monde lui a un peu tourné le dos dans la majorité. Il y a un côté René Coty", président (1954-1959) sous la IVe République, dit-il.