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"Changement radical" avec le RN ou "vote d'urgence" pour lui faire barrage? Dans le nord de l'Alsace, terre traditionnellement conservatrice, la 8e circonscription du Bas-Rhin remportée en 2022 par une macroniste pourrait basculer dans le giron du RN.
Dimanche matin pluvieux à Wissembourg, coquette commune touristique collée à la frontière allemande.
Avec ses 7.500 habitants, elle est au coeur de la circonscription décrochée en 2022 par Stéphanie Kochert (Horizon).
Dans l'imposant hôtel de ville en grès des Vosges, les électeurs arrivent petit à petit pour ce premier tour des législatives. "Il y a toujours de grosses vagues avant la messe, vers 10H30", relève le président du bureau de vote, Thierry Iffrig.
Sur la table, les piles de bulletins sont bien alignées. Au total, neuf candidats, dont Mme Kochert et le RN Théo Bernhardt, 24 ans, diplômé en recherche biomédicale.
Veste en cuir type aviateur, cheveux courts et moustache, Thierry, 58 ans, vient de déposer son bulletin. Il ne dira pas pour qui il a voté mais pour cet ancien chef d'atelier en mécanique reconverti dans l'auto-entrepreneuriat, la dissolution était "probablement la meilleure solution".
- "Pierre, Paul, Jacques" -
"En espérant que ça va donner quelque chose de cohérent", à même de répondre "aux souhaits des Français". "Que ce soit Pierre, Paul ou Jacques" qui l'emporte, il faudra "qu'il soit respectueux du choix" et des attentes des Français, exhorte le quinquagénaire.
"De toute façon, la politique, il ne faut pas se voiler la face, c'est de la ... en barre".
Tania Cathelin, 50 ans, est venue voter avec sa fille de sept ans et sa mère. "La dissolution nous a mis dans une situation plus que délicate et dangereuse", s'inquiète cette enseignante d'anglais.
"Ca m'inquiète", confie Tania, qui regarde avec anxiété "la montée de l'extrême-droite" ailleurs en Europe.
Sa voix, elle l'a donc donnée au Nouveau front populaire (NFP). "Pas trop la tendance du coin", glisse-t-elle.
Zone plutôt rurale d'environ 125.000 habitants, la circonscription présente une "dimension identitaire" assez marquée, note le politologue Richard Kleinschmager.
Elle est située dans une zone d'emploi frontalière où le taux de chômage est l'un des plus bas du Grand Est (4,9% au dernier trimestre 2023 contre 7,4% pour la région).
Elle profite de la manne de l'emploi transfrontalier, note M. Kleinschmager, même si sur ce point, il y a eu récemment "des difficultés", par exemple chez Michelin à Karlsruhe, l'un des sites allemands où le groupe français prévoit une cessation progressive de ses activités d'ici 2025.
La "rente de situation du frontalier alsacien s'est effritée", ce qui peut favoriser le vote RN, avance le politologue, selon lequel la 8e circonscription est, en Alsace, "typiquement" l'une de celles qui pourraient "basculer" dans le giron du parti de Jordan Bardella, alors qu'en 2022, la région, avec 11 députés macronistes sur 15 sièges, n'avait donné aucun élu au parti d'extrême-droite.
- "Changement" -
A quelques mètres de la mairie, au comptoir du bar "Le Munich", un groupe, quasi exclusivement des hommes, bavardent en dialecte alsacien.
L'un d'eux ne fait pas mystère de ses préférences : "il n'y a rien à parler (sic), c'est le RN", lance ce menuisier de 58 ans, qui préfère garder l'anonymat.
Il l'assure: son vote n'est "pas un truc de raciste" mais il souhaite qu'on ne laisse "plus rentrer trop de gens" en France. "Il faut un changement radical (...) Je ne sais pas si ça (ira) mieux après (...) Mais il faut essayer maintenant", explique celui qui dit avoir commencé à travailler "à 17 ans" et veut "la retraite à 60 ans".
Au bureau de vote installé dans l'office de tourisme, Constance, 22 ans, s'apprête à votre NFP. "En tant que jeune personne, je n'ai jamais fait un vote de choix ou d'idéologie" mais "toujours fait un vote d'urgence", confie cette étudiante en architecture.
"C'est une région plutôt conservatrice" où le RN progresse, constate-t-elle. "Mais il ne faut pas blâmer les gens: c'est la conséquence des politiques qui ont été menées pendant des années..."