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Le nouveau gouvernement français doit gérer une crise profonde en Nouvelle-Calédonie: pourquoi le territoire est-il dans l'impasse?

Sur la table du nouveau Premier ministre français, il y a un dossier particulièrement chaud, celui de la Nouvelle-Calédonie. Le territoire célèbre aujourd'hui les 171 ans de son rattachement à la France, et l'on craint une recrudescence des émeutes qui secouent le territoire depuis des mois.

En Nouvelle-Calédonie, la question de l'indépendance reste plus que jamais posée, mais trois référendums n'ont pas réussi à la régler. Et cette petite France du Pacifique traverse aujourd'hui une crise profonde, que va devoir gérer le nouveau gouvernement de Michel Barnier.

Depuis 1853, jamais la population autochtone d'origine mélanésienne, qu'on appelle les Kanaks, n'a accepté la colonisation française. Il y eut de nombreuses révoltes, celle du chef Ataï en 1878, celle du chef Noël en 1917, durement réprimée par l'armée. Et puis, il y eut en 1984 ce qu'on appelle là-bas les événements, une suite de soulèvements initiée par le FLNKS, le Front de Libération Nationale Kanak Socialiste, et son chef Jean-Marie Tjibaou.

En 1981, quand le socialiste François Mitterrand est devenu président de la République, les Kanaks ont cru qu'il leur donnerait l'indépendance, comme la France avait dû le faire en 1980, dans un territoire voisin, les Nouvelles-Hébrides, l'actuel Vanuatu. Mais les Nouvelles-Hébrides étaient un condominium partagé avec l'Angleterre, et ce sont les Anglais qui ont favorisé l'indépendance. En Nouvelle-Calédonie, la situation était différente. Les Kanaks n'y sont pas majoritaires, ils représentent environ 40% des habitants. À côté, il existe une population de colons blancs, installés depuis des générations, les Caldoches. Si l'on ajoute les fonctionnaires et les expatriés venus de métropoles, c'est presque du 50-50.

En fait, deux légitimités s'affrontent, sur cet archipel de 20 000 km², peuplé de 270 000 habitants. En 1988, les événements ont atteint leur paroxysme avec l'assaut de la grotte d'Ouvéa, un repaire où des indépendantistes retenaient prisonniers des gendarmes, enlevés dans leurs casernes. Paris a fait intervenir le GIGN. Bilan : 19 morts chez les Kanaks. On était aux portes de la guerre civile. Mais heureusement, il y eut sous l'impulsion de Michel Rocard, Premier ministre, la signature des accords de Matignon en 1988, puis de Nouméa en 1998, qui organisait le rééquilibrage économique et culturel entre les deux communautés, avec en perspective un référendum d'indépendance au bout de 30 ans.

Il y eut, en fait, trois référendums, qui ont tous dit non à l'indépendance, dont deux de justesse. Les Kanaks n'ont pas accepté le résultat. En mai dernier, des émeutes ont éclaté contre le projet d'élargir le corps électoral aux métropolitains établis dans l'île depuis 10 ans, ce qui aurait donné un avantage décisif aux anti-indépendantistes. Des dizaines de barrages sur les routes, de nombreux commerces incendiés, des tirs à balles réelles qui ont fait 13 morts, l'économie s'est effondrée, des milliers de cadres européens sont rentrés en France, et 600 gendarmes restent aujourd'hui déployés sur place.

On dit souvent que la Nouvelle-Calédonie, au paysage superbe, est l'île la plus proche du paradis. Si l'on y prend garde, elle deviendra bientôt un enfer.

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