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Katharina Grosse, la magie des couleurs éclabousse Metz

Une toile qui s'élève à perte de vue, comme des vagues multicolores contre des parois blanches: Katharina Grosse, magicienne de la couleur, prend possession samedi du Centre Pompidou-Metz, pour une exposition qui éclabousse jusqu'à l'extérieur.

"Déplacer les étoiles". L'exposition de la peintre allemande, née en 1961 à Fribourg-en-Brisgau, apporte jusqu'au 24 février 2025 une touche de couleur bienvenue au pied du centre Pompidou et son immense toiture immaculée en forme de raie manta.

Pour sa plus grande exposition jamais organisée en France, l'artiste a suspendu, dans une gigantesque salle haute de plus de 20 mètres, une trentaine de câbles accrochant sa toile au plafond, comme un rideau de scène qui ne cesserait de monter et de redescendre.

Une fois ce décor posé, Katharina Grosse s'est armée d'un pulvérisateur à peinture industrielle qui lui a permis de peindre sa toile géante en grandes traces bleues, jaunes, roses, vertes ou rouges, avec une science du lumineux et de l'obscur.

"J'ai découvert que la combinaison de la pulvérisation et de la couleur est le moyen le plus anarchique de développer la peinture", dit-elle, vêtue de noir et de blanc comme pour souligner le contraste avec son oeuvre.

- Cinq tonnes de toile -

Les visiteurs peuvent marcher sur la toile comme au milieu d'une cathédrale colorée. A force de piétiner l'oeuvre, ils en feront bouger les plis, laissant apparaître du blanc entre les traits de couleur et lui donnant un aspect évolutif.

"Je peins des choses qui disparaissent, qui sont éphémères", explique l'artiste, alors que des techniciens harnachés à des filins achèvent de suspendre son oeuvre en rappel.

Katharina Grosse fait dans la démesure. Son oeuvre, déjà montrée en partie à Sydney en 2018, pèse près de cinq tonnes de tissu, sans compter les litres de peinture pulvérisée.

A la différence de l'exposition australienne, celle de Metz se prolonge au-delà des vitres de la grande salle par une peinture sur le parvis du Centre Pompidou. A la verticalité des toiles suspendues, répond l'horizontalité de cette autre peinture à même le sol.

La blancheur du bâtiment de Shigeru Ban et de Jean de Gastines, inauguré en 2010, en ressort comme dans un écrin de couleur.

"Je suis fascinée par le bâtiment lui-même, où la peinture se fait. La peinture et son architecture sont à égalité, en collaboration", observe Katharina Grosse.

- Héritière des cavernes -

L'artiste se voit en héritière de nombreux peintres, à commencer par ceux des cavernes qui peignaient leur main en pochoir.

En s'intéressant à la peinture à l'adolescence, "j'ai découvert que ma fascination pour la couleur était très forte", confie-t-elle lors d'une visite de presse. "J'avais une relation naturelle à la couleur".

"La couleur n'a pas de place définie, elle peut aller partout, changer de place. La couleur peut franchir les limites, et c'est renforcé par le pulvérisateur parce qu'elle peut s'envoler, flotter, dépasser les obstacles."

Exposée aux éléments, la peinture du parvis le sera aussi aux fientes d'oiseaux, observe modestement l'artiste, habituée à l'éphémère.

L'oeuvre est d'ailleurs destinée à s'intégrer à la vie du quartier, comme le remarque Chiara Parisi, la directrice du Centre Pompidou-Metz.

"Les skateboards vont laisser des traces. Il y a beaucoup de gym, de yoga, de skates... c'est toute une population qui débarque ici au coucher du soleil", remarque-t-elle. "S'ils demandent de garder l'oeuvre on va la garder mais normalement elle doit partir..."

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