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Centre de rétention administrative pour migrants: les associations dans le viseur de Retailleau

Chaque année, plus de 40.000 migrants en situation irrégulière sont enfermés dans des centres de rétention administrative (CRA) où ils sont informés sur leurs droits par des associations, dans le collimateur du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui les accuse d'être "juge et partie".

Le ministre a arpenté vendredi après-midi pendant plus de deux heures le CRA du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), à quelque centaines de mètres de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle où il s'est entrenu avec le personnel. Ce centre est l'un des 25 en France dans lesquels des migrants, visés par une mesure d'éloignement, attendent d'être renvoyés ou libérés.

Il existe désormais quelque 2.000 places en CRA, alors que l'objectif fixé par son prédecesseur Gérald Darmanin est de 3.000 d'ici 2027. "Cela ne va pas assez vite", a déploré M. Retailleau devant la presse, indiquant avoir "créé une task force" pour "appuyer" les équipes où sont prévus les nouveaux CRA afin "d'accélérer la construction".

Dans ces lieux gardés par des policiers, des associations mandatées par l'Etat effectuent une mission d'information et d'aide à l'exercice des droits auprès des personnes retenues.

"Je considère que le conseil juridique et social aux personnes retenues dans les CRA relève de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et non des associations, qui sont juge et partie", a toutefois récemment accusé Bruno Retailleau dans Le Figaro Magazine.

"Les associations exercent leur mission dans un cadre légal", prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en répondant à un appel d'offre, rappelle la secrétaire générale de la Cimade, Fanélie Carrey-Conte, l'une des cinq associations habilitées.

- "Trop d'OQTF" -

"Notre rôle est de leur expliquer la procédure", explique sa collègue Mathilde Buffière de SOS Solidarité, qui intervient dans quatre CRA.

"Nous n'avons pas de pouvoir de décision. Le fait qu'elles (les personnes retenues, NDLR) soient éloignées ou non, prolongées en rétention ou pas, n'est pas de notre ressort mais de celui d'un juge et des actions que peuvent entreprendre un avocat pour les défendre", a-t-elle souligné.

En 2023, 46.955 personnes ont été enfermées dans des CRA, mais 59% d'entre elles ont été libérées. Très souvent faute de laissez-passer consulaire, document indispensable fourni par le pays dans lequel l'étranger doit être renvoyé.

Cela a été le cas avec l'homme suspecté d'avoir tué une étudiante à Paris en septembre. Incarcéré pour viol, ce Marocain visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avait été placé à sa sortie de prison dans un CRA, mais libéré après 75 jours faute de laissez-passer consulaire.

Le ministre a précisé vendredi qu'il avait donné consigne aux préfets de faire "systématiquement appel" en cas en libération, "même si cela n'est pas suspensif".

"Le problème c'est qu'il y a trop d'OQTF et donc trop de personnes dans ces centres de rétention qui mélangent des personnes qui n'ont rien à voir: des personnes dont le seul tort est d'être sans-papiers, d'autres dangereuses sur lesquelles il faudrait se concentrer", déplore la contrôleuse des prisons Dominique Simonnot.

- "Vigie" -

"Il faudrait raccourcir leur durée de séjour plutôt que de l'augmenter afin que les préfectures se donnent les moyens de faire exécuter les OQTF des personnes réellement dangereuses", dit-elle, alors que le ministre entend étendre le délai maximum de rétention de 90 (sauf en cas de terrorisme) à 210 jours.

Déplorant le faux procès fait aux associations, la contrôleuse des prisons relève qu'elles sont "indépendantes de tout pouvoir, ce qui n'est pas le cas de l'Ofii, placé sous la direction du ministère de l'Intérieur".

"Certains personnels de ces associations" sont "philosophiquement hostiles à l'esprit de la commande publique qui est l'aide juridique, mais qui n'est pas celle d'être contre toute idée de reconduite", se défend le directeur de l'Ofii, Didier Leschi. Il rappelle que l'organisme intervient déjà dans les CRA, notamment pour préparer les migrants au départ.

"Ce qui semble visé est davantage le rôle de témoignage et de +vigie+ sur le respect des droits humains que jouent les associations dans ces lieux de privation de liberté", estime Mme Carrey-Conte.

Dans leur rapport annuel, les associations avaient relevé qu'il y était "de plus en plus difficile d'y faire valoir ses droits". Elles constataient une augmentation des violences: entre personnes retenues - certaines souffrant de problèmes psychiatriques lourds - ou par des policiers.

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