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Centre de rétention administrative pour migrants: les associations dans le viseur de Retailleau

Chaque année, plus de 40.000 migrants en situation irrégulière sont enfermés dans des centres de rétention administrative (CRA) où ils sont informés sur leurs droits par des associations, dans le collimateur du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui les accuse d'être "juge et partie".

Bruno Retailleau, qui affiche sa fermeté sur les questions migratoires, visite vendredi le CRA du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), l'un des 25 établissements français dans lesquels des migrants, visés par une mesure d'éloignement, attendent d'être renvoyés ou libérés.

Dans ces lieux gardés par des policiers, des associations mandatées par l'Etat effectuent une mission d'information et d'aide à l'exercice des droits auprès des personnes retenues.

"Je considère que le conseil juridique et social aux personnes retenues dans les CRA relève de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et non des associations, qui sont juge et partie", a accusé Bruno Retailleau dans le Figaro Magazine.

"Faux", rétorque la Cimade, première association habilitée en 1984 et rejointe à partir de 2010 par quatre autres.

"Les associations exercent leur mission dans un cadre légal", prévu par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en répondant à un appel d'offre, rappelle sa secrétaire générale Fanélie Carrey-Conte.

- "Trop d'OQTF" -

"Il y a une méconnaissance de notre rôle qui est de répondre aux questions des personnes retenues, de leur expliquer les procédures prises à leur encontre et de les informer de leurs droits grâce à des juristes salariés de l'association", explique sa collègue Mathilde Buffière de SOS Solidarité, qui intervient dans quatre CRA.

"Nous n'avons pas de pouvoir de décision. Le fait qu'elles soient éloignées ou non, prolongées en rétention ou pas, n'est pas de notre ressort mais de celui d'un juge et des actions que peuvent entreprendre un avocat pour les défendre", rappelle-t-elle.

En 2023, 46.955 personnes ont été enfermées dans des CRA, mais 59% d'entre elles ont été libérées. Très souvent faute de laissez-passer consulaire, document indispensable fourni par le pays dans lequel l'étranger doit être renvoyé.

C'est ce qui s'est passé dans le cas de l'homme suspecté d'avoir tué une étudiante à Paris en septembre. Incarcéré pour un affaire de viol, ce Marocain visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avait été placé à sa sortie de prison dans un CRA, mais avait été libéré après 75 jours faute alors de laissez-passer consulaire.

"Le problème c'est qu'il y a trop d'OQTF et donc trop de personnes dans ces centres de rétention qui mélangent des personnes qui n'ont rien à voir: des personnes dont le seul tort est d'être sans-papiers, d'autres dangereuses sur lesquelles il faudrait se concentrer", déplore auprès de l'AFP la contrôleuse des prisons Dominique Simonnot.

- "Vigie" -

"Il faudrait raccourcir leur durée de séjour plutôt que de l'augmenter afin que les préfectures se donnent les moyens de faire exécuter les OQTF des personnes réellement dangereuses", insiste Mme Simonnot, alors que le ministre a dit son intention d'étendre le délai maximum de rétention de 90 (sauf en cas de terrorisme) à 210 jours.

Déplorant le faux procès fait aux associations, la contrôleuse des prisons relève qu'elles sont "indépendantes de tout pouvoir, ce qui n'est pas le cas de l'Ofii, placé sous la direction du ministère de l'Intérieur".

"Certains personnels de ces associations" sont "philosophiquement hostiles à l'esprit de la commande publique qui est l'aide juridique, mais qui n'est pas celle d'être contre toute idée de reconduite", s'est défendu le directeur de l'Ofii, Didier Leschi. Il a rappelé que l'organisme intervient déjà dans les CRA, notamment pour préparer les migrants au départ.

"Ce qui semble visé est davantage le rôle de témoignage et de +vigie+ sur le respect des droits humains que jouent les associations dans ces lieux de privation de liberté", estime Mme Carrey-Conte.

Dans leur rapport annuel, les associations avaient relevé qu'il y était "de plus en plus difficile d'y faire valoir ses droits". Elles constataient une augmentation des violences: entre personnes retenues - certaines souffrant de problèmes psychiatriques lourds - ou par des policiers.

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