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"Je n'ai rien à voir avec le terrorisme et la violence", s'est défendu vendredi, souvent maladroitement, le Franco-Tunisien Mohamed Ghraieb, l'un des trois accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste au procès de l'attentat de Nice.
"Ce n'est pas important", "ça ne me dit rien" ou encore "j'ai rien compris", a souvent répondu l'accusé de 46 ans confronté aux questions précises du président de la cour d'assises spéciale de Paris, Laurent Raviot.
Ses liens avec Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l'auteur de l'attentat au camion-bélier qui a fait 86 morts sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016 ? "C'était une connaissance parmi d'autres (...) C'était pas quelqu'un d'important pour moi", soutient l'accusé qui comparaît libre sous contrôle judiciaire après trois ans de détention provisoire.
Le président fait la moue. L'enquête a révélé que les deux hommes qui s'étaient connus en Tunisie avant de se retrouver à Nice au début des années 2010 avaient de très fréquents contacts au téléphone. Près de 1.300 l'année précédant l'attentat.
Le soir du 14 juillet, M. Ghraieb a ainsi tenté à dix reprises de joindre Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. "Pourquoi ?", veut savoir le président. "Pour savoir quand je pourrais récupérer la deuxième clef de la voiture que nous venions de lui acheter", répond l'accusé. "Vous pensez qu'on va croire ça ?", s'agace le juge.
"Vous échangiez sur quoi ?", insiste M. Raviot. "Sur le sport, la bouffe, la salsa qu'il pratiquait... beaucoup de blagues", répond M. Ghraieb qui, à l'époque des faits, était veilleur de nuit dans un hôtel de Nice.
- "Rien vu venir" -
L'accusé s'était spontanément présenté à la police en fin d'après-midi le lendemain de l'attentat. S'il a reconnu être monté à bord du camion qui servira à l'attentat trois jours avant les faits - des photos l'attestent -, il a répété à la cour qu'il n'avait jamais eu connaissance du projet d'attentat.
"Vous parliez de l'Etat islamique (EI) ?", l'interroge le président. "Une fois, en quittant la plage, il m'a demandé ce que je pensais de l'EI", se souvient l'accusé. "Et alors...", insiste le président. "Je lui ai dit : +Pourquoi tu parles de ça ? C'est des merdes". Je lui ai dit : +Allez, dégage!+ et il est parti".
Mohamed Lahouaiej-Bouhlel regardait-il des vidéos d'exactions de l'EI, comme vous l'avez dit aux enquêteurs ?, poursuit le président. "Les enquêteurs n'ont pas bien compris. Il me parlait de vidéos de sport de combat et beaucoup de sites pornos, pas de vidéos d'exécutions", répond l'accusé.
Pourquoi êtes-vous allé sur la Promenade, en vous filmant, "la mine réjouie", le matin du 15 juillet en sortant de votre travail ?, reprend M. Raviot. Réponse: "Il m'arrivait de rentrer chez moi en prenant ce chemin. C'était pas réfléchi (...) Je le regrette quand je vois comment cela a été mal interprété".
Quand le président l'interroge sur un message, en arabe, saluant les attentats de janvier 2015 provenant de son portable et trouvé sur le téléphone de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, M. Ghraieb nie catégoriquement en être l'auteur.
"J’ai jamais écrit ça. J’ai dû prêter mon téléphone à quelqu’un et je sais pas ce qu’il a échangé avec Lahouaiej-Bouhlel", explique-t-il laborieusement. Au cours de l'instruction il avait cité le nom d'un certain Jamal Abbas dont aucune trace n'a été trouvée par les enquêteurs.
Et les documents téléchargés sur son ordinateur avec des photos des frères Kouachi, de Salah Abdeslam et d'autres responsables de l'organisation EI ? "J’ai pas téléchargé, échangé, et personne ne m’a envoyé des choses comme ça. Il suffit de regarder les sites d’info pour tomber sur ces photos, et ça peut laisser des traces dans l’ordinateur, c'est tout", se justifie-t-il.
Quant aux soupçons d'avoir cherché à fournir une arme à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l'accusé s'en défend catégoriquement: "Jamais de la vie". "La vérité c'est que je n'ai rien vu venir".
A partir de mardi la cour se penchera sur le cas de Chokri Chafroud, Tunisien de 43 ans, en détention depuis 2016, également poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste.