Partager:
Et maintenant, le plus dur reste à faire: après avoir fini en tête des élections législatives, le Nouveau Front populaire, qui se dit prêt à gouverner, va entamer de difficiles tractations en son sein, notamment autour de la figure du Premier ministre.
La gauche revendique de former le gouvernement, même s'il lui manque une centaine de sièges pour atteindre la majorité absolue. Les discussions entre ses différentes composantes ont commencé dès dimanche dans la soirée et vont se poursuivre dans les jours qui viennent.
Et le premier écueil sur lequel le Nouveau Front populaire risque de se déchirer sera celui de l'incarnation, une question qui a déjà fait couler beaucoup d'encre pendant la campagne pour les législatives, alors même qu'un succès de la gauche était très hypothétique.
Qui pourrait être désigné Premier ministre, si la gauche est effectivement en capacité de gouverner ? Les Insoumis persistent dans l'idée que c'est au groupe majoritaire de proposer un nom. Les autres penchent pour une décision collective des députés de l'alliance, Jean-Luc Mélenchon étant devenu une figure trop clivante et urticante, même au sein d'une partie de la gauche.
"Il faut que dans la semaine, nous puissions être en mesure de présenter une candidature" pour Matignon, a estimé lundi Olivier Faure, précisant qu'"il y a des profils qui s'imposent plus que d'autres" pour "apaiser ce pays". Des propos qui semblent donc exclure Jean-Luc Mélenchon, qui, selon l'ancienne cheffe des députés LFI Mathilde Panot "n'est absolument pas disqualifié" pour le poste.
Pour Olivier Faure, ce choix se fera "par consensus" ou par "vote" des différents députés de gauche. La proposition du "consensus" ayant été jugée acceptable par le coordinateur de LF, Manuel Bompard.
- Quel programme ?-
Dimanche soir, toutes ses formations l'ont répété: ce sera sur son programme de rupture que le Nouveau Front populaire, fort de ses quelque 190 élus, veut baser son projet de nouveau gouvernement.
Avec en ligne de mire l'abrogation de la réforme des retraites, de la loi immigration et de la réforme de l'assurance chômage, mais aussi des mesures sur le pouvoir d'achat, comme le Smic à 1.600 euros net, pour les services publics.
Pas de main tendue vers les macronistes donc. Le président de la République ne s'est d'ailleurs pas prononcé sur la constitution d'un nouveau gouvernement ou sur les ambitions de la gauche.
Mais une question persiste: comment la gauche pourrait-elle manoeuvrer dans la nouvelle Assemblée, face aux deux autres blocs macroniste et RN ?
L'augmentation du Smic se fera "par décret", a promis Jean-Luc Mélenchon.
Concernant l'annulation de la réforme des retraites, "ce qui s'est fait par le 49-3, peut se défaire par 49-3", a estimé de son côté le patron des socialistes Olivier Faure, même si cela exposerait un hypothétique gouvernement du Nouveau Front populaire à une motion de censure.
- Avec qui? -
Face aux rumeurs d'une coalition entre le camp présidentiel et la frange la plus modérée de la gauche, un cadre insoumis s'agace: "Les macronistes tentent de nous voler la victoire et de faire une coalition".
Mais même le maire socialiste de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, qui était un fervent opposant au mariage avec les Insoumis au sein de l'ancienne alliance Nupes, l'assure: "il n'y a pas besoin de faire sans" LFI. "La Nupes c'est terminé, LFI n'est pas majoritaire", assure-t-il.
En effet, si au sein du Nouveau Front populaire les Insoumis sont le parti qui compte le plus d'élus, leur poids est à relativiser: ensemble, les socialistes, les communistes et les écologistes seront plus nombreux qu'eux. Sans compter les "frondeurs" qui ont consommé la rupture avec la direction insoumise.
Concernant la capacité de la coalition à gouverner, le chercheur du Cevipof, Martial Foucault, reste dubitatif: "ça reste un groupe minoritaire, une coalition de partis qui arrive première avec moins de 200 sièges".
"Ça va prendre beaucoup de temps pour y voir clair sur un gouvernement de coalition", ajoute le politologue.
Message reçu du côté des communistes. "Nous allons devoir, sur bon nombre de sujets, élargir notre majorité parce qu'elle ne suffira pas autrement", reconnaît le porte-parole du parti, le sénateur de Paris Ian Brossat.
Même analyse de la part de l'écologiste Yannick Jadot: "Il nous revient de construire des majorités autour de notre projet".