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Les députés ont entamé avec gravité lundi l'examen du projet de loi sur la fin de vie qui doit ouvrir la possibilité pour certains patients d'une aide à mourir, le gouvernement les encourageant à conserver "l'équilibre" du texte et à légiférer "avec une main tremblante".
"Notre responsabilité est grande. Répondre aux souffrances sans brusquer les consciences", a souligné dans son propos liminaire la ministre de la Santé Catherine Vautrin, disant l'attachement du gouvernement à un "texte d'équilibre".
A cette aune, la ministre a rappelé le souhait de l'exécutif de conserver les cinq critères d'éligibilité définis dans le texte initial, parmi lesquels le fait d'être atteint d'une affection grave et incurable "avec pronostic vital engagé à court ou moyen terme".
Les députés ont modifié en commission ce critère, lui préférant la notion d'affection "en phase avancée ou terminale".
Le rapporteur général du texte Olivier Falorni (membre du groupe MoDem) avait lui-même soutenu la modification apportée en commission, soulignant la "grande difficulté d'établir ce qu'est le moyen terme".
"Nous avons aujourd'hui à écrire, à voter une grande loi de liberté, la liberté de disposer de sa mort, à l'image de la liberté de disposer de son corps que nous venons de sanctuariser dans notre Constitution. Nous avons à écrire et à voter une grande loi d'égalité (...) une grande loi de fraternité", a-t-il affirmé dans l'hémicycle.
- "Rupture majeure" -
Mme Vautrin a aussi martelé la volonté du gouvernement que le patient puisse exprimer sa volonté de manière libre et éclairée. "Aucune procédure d'aide à mourir ne doit pouvoir être mise en œuvre sans que le patient ne soit en mesure de confirmer sa volonté autonome jusqu'aux derniers instants", a-t-elle affirmé.
Une prise de position qui écarte le souhait de plusieurs députés, y compris au sein de la majorité, d'ajouter la possibilité pour un patient ayant perdu son discernement de bénéficier d'une "aide à mourir" s'il a formalisé ce souhait au préalable dans des directives anticipées.
Ces changements ont accentué l'hostilité des opposants aux textes.
"L'heure est grave (...), vous nous proposez une rupture majeure, puisque vous voulez institutionnaliser par la loi le fait de rendre possible le suicide et l'euthanasie", a accusé le député LR Patrick Hetzel.
Le député RN Thomas Ménagé, plutôt favorable au texte, a regretté que son "équilibre initial (ait) été rompu", s'étonnant que la majorité alliée à la gauche "ait réussi à faire naître des récalcitrants, même au sein des députés initialement favorables".
A l'instar des députés des différents groupes d'opposition, il s'est dit inquiet que "l'aide active à mourir ne devienne un palliatif aux soins palliatifs", auxquels une personne sur deux n'a aujourd'hui pas accès.
- "Vertige sans fond" -
La députée écologiste Sandrine Rousseau a elle apporté son soutien à la transformation du court ou moyen terme en phase avancée ou terminale. "C'est une manière d'intégrer dans ce nouveau droit les malades de Charcot, de scléroses en plaques, Parkinson ou d'autres maladies dégénératives", a-t-elle souligné.
La socialiste Marie-Noëlle Battistel a elle aussi approuvé ce changement et souhaité aller plus loin que le texte de la commission, en permettant la prise en compte des directives anticipées, et que les affections d'origine accidentelles soient aussi considérées "afin que les cas comme Vincent Lambert ou Vincent Humbert trouvent une réponse à travers ce texte".
Signe des divisions à gauche sur le sujet, le député PCF Pierre Dharréville n'a pas caché son opposition au texte, se disant "saisi d'un vertige sans fond devant l'admission de l'assistance au suicide et de l'euthanasie, au rang des gestes de la République".
"Voter cette loi au cœur de la crise sociale et sanitaire contemporaine n'est pas le moindre des problèmes. Demain, pour combien d'entre nous sera-t-il plus rapide, nettement plus rapide d'avoir accès à un produit létal qu'à un centre anti-douleur ?", s'est-il interrogé.
En réponse à ces interrogations, la ministre de la Santé a rappelé l'engagement du gouvernement de passer de 1,6 milliard par an consacré aux soins palliatifs en 2023 à 2,7 milliards en 2034. Et l'ensemble des départements seront couverts d'ici à la fin 2025.
L'Assemblée nationale a prévu deux semaines de discussions en première lecture, le vote devant avoir lieu le 11 juin, avant la transmission du texte au Sénat à la rentrée.
A quelques pas du Palais Bourbon, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées lundi soir pour dire "non au suicide assisté" et appeler à ne pas "tuer la fraternité", à l'appel de l'association Alliance Vita, qui milite contre l'avortement et l'euthanasie.