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Balayé par une retentissante affaire impliquant une "voyante" ventriloque, une voix "venue de l'au-delà" et des entrepreneurs de la région soupçonnés de corruption, le maire d'Agde, Gilles d'Ettore, a finalement démissionné de ses fonctions, après un peu plus de deux mois de détention provisoire.
"Gilles d'Ettore, maire d'Agde et président de la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée a présenté sa démission de l'ensemble de ses mandats électifs au préfet de l'Hérault. Démission qui a été acceptée par retour de courrier et qui est donc effective", a indiqué la préfecture de ce département du sud de la France sur le réseau social X.
L'enquête, lors de laquelle une quarantaine de personnes ont été auditionnées, avait été initiée en octobre 2023, avant l'ouverture d'une information judiciaire contre X le 5 janvier, par le parquet de Béziers, notamment pour escroqueries en bande organisée.
Elle a connu un premier coup de tonnerre au printemps avec l'interpellation de M. d'Ettore (Les Républicains), sa mise en examen pour "prises illégales d'intérêts et corruption" et son placement en détention provisoire le 21 mars.
Le personnage principal de ce dossier rocambolesque est une femme de 44 ans qui se présente comme voyante, médium et "guérisseuse", et qui s'était forgée en quelques années une belle notoriété dans la région.
Placée en garde à vue le même jour que Gilles d'Ettore et depuis lors en détention provisoire, cette mère de famille a expliqué avoir réussi, en modifiant sa voix, à abuser plusieurs de ses proches, dont le maire d'Agde, en leur faisant croire qu'ils étaient "en conversation avec un être surnaturel provenant de l'au-delà", selon le procureur de Béziers, Raphaël Balland.
Elle aurait en particulier utilisé ce stratagème pour inciter M. d'Ettore à "se soucier du bien-être" de son "amie", elle-même donc, "y compris matériellement".
- Recrutements de proches -
Devant les enquêteurs, elle a reconnu avoir bénéficié de nombreuses prestations, notamment le recrutement au sein de la commune ou de l'agglomération de cinq personnes membres de sa famille ou de son entourage, dont son propre mari, et de cadeaux offerts par des entrepreneurs en relation avec M. d'Ettore, dont la prise en charge de son fastueux troisième mariage l'an dernier.
Son mari, mis en examen et désormais interdit d'exercer sa fonction de directeur technique de la ville, est lui soupçonné de "recel de prise illégale d'intérêts, recel de détournements de fonds par une personne dépositaire de l'autorité publique et recel de corruption". Il a été laissé en liberté.
Gilles d'Ettore, ancien député et maire d'Agde depuis 2001, affirme pour sa part avoir été "piégé". Sa demande de remise en liberté début avril a été rejetée par la justice.
Deux cadres régionaux du groupe de BTP Eiffage, "soupçonnés d'avoir participé au financement occulte de travaux effectués au domicile" de la médium, ont également été mises en examen fin mars dans ce dossier pour "abus de confiance", "faux et usage de faux".
Fin mai, c'est un promoteur immobilier de 63 ans qui a à son tour été mis en examen pour "abus de biens sociaux et abus de confiance au préjudice de ses sociétés et pour corruption active auprès du maire d'Agde". L'homme d'affaires, placé sous contrôle judiciaire, aurait financé avec ses sociétés "la cuisine équipée de la +voyante+, une partie du buffet de son mariage et des billets d'avion pour Paris, le tout pour 17.000 euros", a indiqué mercredi le procureur de Béziers.
De leur côté, la fille de la voyante, âgée de 20 ans, et un ami "très proche" de cette dernière, âgé de 42 ans, ont également été mis en examen ces derniers jours, pour "recels de prises illégales d'intérêts", pour avoir été employés pendant plusieurs mois par la mairie d'Agde, respectivement en contrat d'apprentissage et en tant que "responsable de la +barrière de péage+ du village naturiste" de la commune.