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Ces élections européennes ont clairement provoqué une crise politique majeure en France. Après le score du Rassemblement National, plus de 31% des voix, la dissolution de l'Assemblée Nationale est annoncée par Emmanuel Macron, et puis l'organisation de législatives dans trois semaines, le 30 juin et le 7 juillet.
C'est un coup de poker qui pourrait bien propulser ce Rassemblement National au pouvoir. La meilleure défense, c'est l'attaque. C'est probablement ce que s'est dit Emmanuel Macron avant de prendre cette décision hallucinante et tout bonnement historique. Rien ne l'y obligeait. Les élections européennes n'ont aucune influence directe sur le gouvernement de la France. Et pourtant, le président a décidé d'effondrer le château de cartes. On risque de donner l'impression de céder aux injonctions de Jordan Bardella, qui, durant toute sa campagne, a réclamé cette dissolution.
Emmanuel Macron avait-il vraiment le choix ? Il ne pouvait pas rester sans réaction devant une telle défaite. Son parti n'a pas fait la moitié des voix du Rassemblement National. Changer de Premier ministre n'aurait pas suffi, et l'organisation d'un référendum, quel qu'en soit le thème, se serait transformée en plébiscite pour ou contre Macron. Alors, autant aller au clash et mettre les Français devant leurs responsabilités. Emmanuel Macron espère qu'une fois de plus, son habileté lui permettra de jouer la carte du repoussoir. Son analyse est la suivante. Les électeurs se sont défoulés hier dans un scrutin sans importance.
Auront-ils le courage d'aller jusqu'au bout et de porter le Rassemblement National au pouvoir ? Le pari risqué n'est pas perdu d'avance. En France, les élections législatives ne se jouent pas à la proportionnelle, comme les européennes, mais au scrutin majoritaire, dans des circonscriptions bien définies, soit 577 petites présidentielles qui nécessitent un ancrage local. Le hic, c'est que contrairement à son père, Marine Le Pen a réussi à construire cet ancrage local. Son parti s'est non seulement dédiabolisé, mais notabilisé. Et dans bien des régions françaises, les élus du RN sont, aux yeux des gens, des hommes ou des femmes politiques comme les autres. D'ailleurs, en 2022, le RN a envoyé à la régulière 83 députés au palais Bourbon. Pour lui barrer la route, Emmanuel Macron devrait lui opposer une coalition constituée de son parti et d'alliés jusqu'à présent introuvables. La droite l'a déjà dit hier soir, elle ira au combat sous ses propres couleurs. Quant à la gauche, elle est en voie de recomposition et ne va donc pas prendre une main qu'on ne lui tend d'ailleurs pas. Donc l'hypothèse d'un Jordan Bardella majoritaire à l'Assemblée n'est pas impossible. Et Macron devrait alors le nommer, début juillet, au poste de Premier ministre. Avec, bien sûr, l'espoir de le carboniser au pouvoir, comme Mitterrand l'a fait avec Chirac en 1986. Ça s'appelle jouer avec le feu.