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"Nous resterons ici jusqu’à ce que le projet soit annulé": au cœur du combat pour sauver les dernières friches urbaines de Bruxelles

Depuis les années 1970, 73% de la biodiversité mondiale a disparu. Un effondrement de la nature que le monde tente d’enrayer en se réunissant au sein de la COP16 Biodiversité. À Bruxelles, des activistes et défenseurs de l’environnement se battent pour protéger des lieux naturels inattendus: les friches urbaines et terrains vagues. 
 

C’est un drôle d’oiseau qui grimpe sur cet arbre. Jeanne est activiste et cache son visage pour préserver son anonymat. Elle s’installe, illégalement, dans cet espace vert pour le protéger. Nous sommes au Donderberg, un espace naturel de 3 hectares, en plein cœur de Bruxelles. "Le Donderberg est un site sauvage, avec une haute valeur de biodiversité", dit Jeanne, porte-parole de Donderberg Sauvage. "Un projet prévoit la construction d’une énorme école, et nous voulons protéger cette zone. Nous resterons ici jusqu’à ce que le projet soit annulé."

Un espace naturel menacé par un projet immobilier

Un groupe entier de défenseurs de l’environnement campe ici depuis mi-octobre mais le dossier du Donderberg mobilise les riverains depuis plus de 10 ans. La Ville de Bruxelles, propriétaire du terrain, souhaite y construire une école. Mais le lieu, laissé en friche depuis des années, est devenu un véritable réservoir de biodiversité.

"Le site a été abandonné pendant des décennies", explique Serge Malaisse, membre du collectif Save Donderberg. "Aujourd’hui, il abrite une grande biodiversité, reconnue par Bruxelles Environnement, qui le classe en haute valeur biologique."

Des espèces rares en danger

Outre des espèces animales variées, le parc abrite aussi des arbres rares, comme ce saule marsault, le deuxième plus grand de son espèce en région bruxelloise.

"À cet emplacement, il est prévu de faire une salle de sport semi-enterrée", dit Serge Malaisse. "On va creuser dans le sol de six mètres, rabattre la nappe phréatique. Donc un projet vraiment impactant pour le quartier."

Un appel pour préserver les friches urbaines

Les défenseurs du parc souhaitent que l’école soit construite ailleurs, sur des espaces déjà bétonnés. La Ville, elle, défend un projet d’intérêt général qui doit se réaliser ici. Un combat local, mais représentatif de la problématique des friches à l’échelle régionale. Il n’existe aucune liste officielle de ces espaces, mais les principales friches de Bruxelles font toutes l’objet de batailles entre nature et projets immobiliers.

"Le bon sens voudrait qu’on protège ces friches, mais ces terrains sont souvent considérés comme à bâtir, donc ont une valeur marchande", dit Alain Maron, ministre bruxellois de l'Environnement. "Si on décide de ne pas bâtir dessus, le propriétaire perd de l'argent. Protéger la nature coûte et nécessite un investissement budgétaire."

Des écosystèmes cruciaux pour la ville

Ces terrains appartiennent à divers propriétaires: communes, régions, ou privés, qui, en théorie, ont le droit d’y développer des projets de construction. Pour les défenseurs de l’environnement, l’enjeu est de faire reconnaître un intérêt supérieur dans le maintien de ces espaces à l’état sauvage.

"Nous avons besoin des insectes et des pollinisateurs pour maintenir la biodiversité, réguler la température, dépolluer l’air", dit Amandine Tiberghien, chargée de projet politiques urbaines à Natagora. "Tous ces éléments sont essentiels pour notre survie, surtout en milieu urbain. Ils font en fait que notre vie en tant qu'humain reste vivable, encore plus en milieu urbain où on a des éléments comme les îlots de chaleur qui rendent le quotidien plus complexe."

La biodiversité en déclin

La biodiversité joue un rôle crucial, mais elle est aujourd’hui en péril. À l’échelle mondiale, 73 % des populations animales ont disparu depuis les années 1970. En Belgique, 95 % de nos habitats naturels sont en mauvais état de conservation.

"Nous avons noyé la nature dans une mer de béton."

Thomas Jean est photographe animalier. Il a fait de la ville son principal terrain de jeu. Observateur quotidien du vivant, il est aussi témoin de sa disparition. "On fait face à un effondrement de la biodiversité", dit-il. "C'est un peu anxiogène mais c'est une réalité. On se rend compte que ces zones, qui ont longtemps été délaissées par les pouvoirs publics, et par la population en général, recèlent une richesse naturelle incroyable comparativement à un parc urbain."

La friche Josaphat est également classée comme un lieu à très haute valeur environnementale. Elle abrite des animaux uniques à Bruxelles, et même une espèce d’abeille unique en Belgique. "Des friches comme celles-ci, à Bruxelles, il en reste de moins en moins", dit Thomas Jean. "Nous avons noyé la nature dans une mer de béton."

Nouvelle loi européenne pour la restauration de la nature

Cet été, l’Union européenne a adopté une loi sur la restauration de la nature, obligeant les États membres à restaurer 20 % de leurs habitats naturels d’ici 2030. Cette exigence concerne aussi les villes et replace ces friches, longtemps délaissées, au cœur des enjeux urbains.

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