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Waymo, le projet fou de Google, a fini par dépasser la science-fiction. Tandis que Tesla fait souvent la Une, ce sont pourtant les robotaxis de Waymo qui sillonnent déjà les rues de San Francisco sans personne au volant. Cette révolution technologique, qui transforme la conduite autonome en réalité, est techniquement possible en Belgique, un responsable nous l'a affirmé. Mais ne vous attendez pas à voir ces véhicules futuristes avant longtemps.
Si on pense souvent à Tesla quand on parle de voitures autonomes, ce n'est pourtant pas l'entreprise d'Elon Musk qui est la plus avancée dans le domaine. Loin de là. Dans 4 villes des États-Unis, et depuis seulement quelques semaines à San Francisco, on peut commander un Waymo (comme on commanderait un Uber). Il s'agit d'un taxi, mais sans chauffeur. Le volant tourne, les pédales bougent, et pourtant il n'y a pas personne assis à la place du conducteur. Longtemps cantonné au statut de prototype éternellement en phase de test, le robotaxi est désormais une réalité.
C'est quoi, Waymo ?
Rappelons en deux mots que Waymo était initialement un projet de Google, lancé en 2009, une époque où tout était à construire au niveau de la voiture autonome. Durant plusieurs années, de nombreux acteurs, petits ou grands, ont brûlé des millions de dollars avant de jeter l'éponge, ne mesurant pas l'ampleur du travail nécessaire pour réussir le défi qui est autant technique que légal/administratif. Disposant des ressources pratiquement inépuisables de Google, évoluant de manière plus autonome en devenant une filiale d'Alphabet (la maison mère de Google), Waymo a tenu bon: il est en 2024, la seule entreprise qui propose un tel service dans le monde (même s'il n'est pas impossible qu'en Chine, la voiture autonome existe aussi, dans une certaine mesure). Il compte plus de 2 millions de courses, et donc des milliers d'heures d'entraînement pour son algorithme de comportement sur la route.
Comment ça marche ?
J'ai eu la chance de m'entretenir avec Jonathan Ng, un responsable produit au sein de Waymo. "Les voitures de Waymo fonctionnent grâce à des caméras, des radars, des lidars (cartographie laser) et même des microphones". Le but de tous ces appareils, assez bien visibles tout autour du véhicule (des Jaguar I-Pace électriques): analyser l'environnement en continu, avec vision allant jusqu'à 500 mètres. Voitures et autres usagers de la route, panneaux et feux de signalisation, piéton, travaux en cours: ce système voit tout, et tout le temps. On peut s'en apercevoir en regardant l'écran situé à l'avant ou à l'arrière du véhicule, lorsqu'on réserve une course. "Waymo construit également ses propres cartes des villes dans lesquelles il opère", ai-je appris, très probablement pour apporter un niveau de précision au centimètre, ce que les solutions existantes (Google Maps, Tomtom, etc.) ne permettent sans doute pas. Cette combinaison, après plus de 15 ans de test (dont certains en conditions réelles à Phoenix), est visiblement la meilleure actuellement, car Waymo n'a pas de concurrent aussi avancé que lui. Et avec l'apport de 5 milliards (oui, milliards) de dollars d'argent frais qu'Alphabet vient d'annoncer, il est probable que cette avance s'accentue - une sixième génération de véhicules est d'ailleurs en construction. Cependant, Uber et Cruise viennent d'annoncer un partenariat, Tesla devrait dégainer dans les prochains mois, une certaine concurrence existe en Chine: Waymo ne va pas rester longtemps seul sur le marché des robotaxis.
Et il conduit bien, Waymo ?
On réserve un Waymo, littéralement, comme on réserve un Uber: via une application qui permet de communiquer votre localisation pour la prise en charge, celle de la voiture qui pourrait s'occuper de vous, et le prix proposé. À son arrivée, je constate que la Jaguar sait s'imposer dans le centre-ville de San Francisco, l'une des plus grandes city des États-Unis: elle n'a d'ailleurs pas peur de se garer en double file, le temps de nous faire monter à bord. À l'intérieur, deux écrans avec des informations, et une voix féminine qui vous parle (c'est une communication à sens unique pour le moment, pas d'interaction vocale possible), vous enjoignant notamment d'attacher votre ceinture.
Arrive ce moment déroutant où la voiture démarre: le volant tourne, les pédales s'agitent et la voiture se faufile dans les larges rues de SF. Constat surprenant mais logique quand on roule en ville: la Jaguar n'hésite jamais quand elle doit prendre une décision. Elle a sacrément confiance en elle et s'impose quand il le faut. Une voiture garée à droite a ouvert sa portière et au lieu de s'arrêter, elle a légèrement dévié sa trajectoire pour l'éviter, empiétant sur la bande inverse. Je ne dirais pas qu'elle a pris un risque mais, à plusieurs reprises durant les 15 minutes de mon test, je me suis dit qu'elle était plus téméraire que moi quand je conduis en ville. Elle s'impose quand il faut (son analyse précise de l'environnement est sans doute plus efficace que le cerveau humain), roulant comme un chauffeur (de taxi) expérimenté, et donc toujours un peu pressé. La conduite est souple et sûre, jamais stressante ni saccadée, que ce soit pour accélérer, freiner ou tourner. On est loin de ce que Tesla propose actuellement. Très loin devant, même… À l'intérieur de la voiture, on se détend, on observe à quel point Waymo sait ce qu'il fait, et on règle la musique, la climatisation, etc. Le largage est aussi efficace que la prise en charge: la voiture met ses 4 feux et vous demande de quitter le véhicule en faisant attention.
Possible en Belgique ?
Techniquement, ça ne fait aucun doute, Waymo est au point. Du moins dans ces grandes villes américaines jouissant d'une météo majoritairement clémente (peu de pluie, pas de neige). J'ai demandé s'il y avait des limites techniques l'empêchant de fonctionner ailleurs dans le monde: mon interlocuteur était très sûr de lui. "Tant que les rues sont assez larges pour que la voiture passe, c'est bon". Travaux, rues étroites où des voitures garées à droite ou à gauche ajoutent des difficultés pour le croisement de deux véhicules en mouvement: le système de Waymo "peut gérer tout cela". Y compris les intempéries, m'assure mon interlocuteur (ça reste à prouver, tout de même…).
La limite est donc administrative, principalement. L'Europe légifère lentement, autorisant petit à petit la conduite semi-autonome (plutôt une assistance à la conduite, on reste loin de la conduite sans chauffeur). Quand les textes seront clairs - si ça arrive un jour, mais je suis sûr que ce sera le cas - pour une entreprise comme Waymo, il faudra voir si la Belgique décide de les adopter tels quels, ou de les modifier. Bref, il ne faut pas s'attendre aux robotaxis dans les rues de Bruxelles avant plusieurs années… Et je n'ai pas eu l'occasion d'aborder les régions du sud de l'Europe où la plupart des automobilistes brûlent régulièrement feux rouges et panneaux stop (là, je pense que les Waymo vont clignoter de partout…).
Quel avenir pour ce genre de véhicule ?
L'arrivée du robotaxi sur nos routes, qui permettrait d'éviter le travail de nuit des chauffeurs et/ou de mettre certains utilisateurs plus à l'aise, tout en accentuant la sécurité routière, me semble inévitable à court terme. Avec des conséquences sur le marché de l'emploi, à nouveau. Mais on doit voir plus loin...
Si on se projette dans 10 ans, il n'est pas fou d'imaginer que le coût de fabrication actuel d'une voiture de ce type (et de son fonctionnement), estimé à 450.000€ actuellement, chute drastiquement. Certaines familles pourraient s'offrir une voiture entièrement autonome pour rentrer du restaurant, aller conduire des enfants aux activités sportives, les chercher en pleine nuit lors de leur sortie, etc... Le luxe d'un chauffeur privé... sans devoir le payer.
Si on se projette dans 20 ans et que tous les véhicules à moteur sont équipés d'une technologie similaire, on peut même imaginer la fin des accidents graves sur la route, avec une prise de contrôle du véhicule en cas de danger imminent ou potentiel.