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Dans l'est de Londres, le Phosphoros Theatre fait monter sur scène de jeunes réfugiés et demandeurs d'asile pour qu'ils se réapproprient leur histoire, dans un contexte politique de plus en plus hostile au Royaume-Uni.
Dans le studio faiblement éclairé, quelques acteurs annotent leurs scripts et répètent leur texte à voix basse. Ismael Mohammed, 20 ans, était un jeune homme timide, incapable de parler à haute voix devant ses camarades à l'université. Il se produit désormais sur scène dans des salles partout au Royaume-Uni.
Ce jeune réfugié est arrivé sur le sol britannique à l'âge de 16 ans, après avoir entrepris seul le voyage depuis l'Afrique de l'Est.
"Personne ne peut raconter votre histoire, la manière dont vous avez vécu (le voyage) ou la façon dont vous êtes arrivé ici aussi bien que vous", affirme-t-il à l'AFP.
"Tender", la dernière production de la compagnie, raconte l'histoire d'un groupe d'amis réfugiés habitant à Londres, leurs difficultés financières, et la solidarité qui les lie pour surmonter les épreuves.
Elle s'inspire de l'histoire personnelle des acteurs, eux-mêmes réfugiés ou demandeurs d'asile, et des récits qu'ils ont fait de leur voyage et de leur arrivée au Royaume-Uni.
"C'est thérapeutique de me montrer face aux autres et de faire entendre ma voix", s'enthousiasme Abel, jeune réfugié éthiopien.
La co-directrice artistique de la troupe Kate Duffy-Syedi, qui était auparavant assistante sociale auprès de réfugiés, espère que leur pièce permettra de lutter contre certains préjugés répandus au Royaume-Uni, où la politique de lutte contre l'immigration n'a cessé d'être durcie ces dernières années.
En début de semaine, le Parlement britannique a adopté un projet de loi controversé qui vise à expulser au Rwanda les migrants arrivés illégalement sur le sol britannique.
Le gouvernement conservateur espère que les premiers avions décollent d'ici 10 à 12 semaines, et les demandeurs d'asiles sur place ne savent pas encore ce qu'il adviendra d'eux dans les mois à venir.
- Criminels ou victimes -
"Ces jeunes sont soit perçus comme des criminels, soit comme des victimes qui n'auraient aucune volonté propre", regrette Kate Duffy-Syedi, qui a voulu les replacer au coeur du processus créatif.
Celle-ci a fondé le Phosphoros Theatre en 2015 avec sa mère, la dramaturge Dawn Harrison. Force est de constater que les répétitions, huit ans plus tard, ne se déroulent plus du tout dans la même atmosphère.
Après l'adoption du texte sur le Rwanda, l'ONU a dénoncé des lois britanniques "de plus en plus restrictives, qui ont érodé l'accès à la protection des réfugiés" depuis 2022.
"C'est très triste (...) si beaucoup de gens viennent au Royaume-Uni, ce n'est pas pour mener la belle vie, mais simplement pour être en sécurité", regrette Ismael Mohammed.
C'est en cela qu'au moins "le théâtre peut aider les gens à prendre conscience de cette réalité, et permettre aux spectateurs de découvrir" ce que les réfugiés ont vécu pendant leur périple, ajoute Abel.
Cinquième production de la compagnie, le spectacle "Tender" sera bientôt joué à Londres, Derby (centre) et Manchester (nord-ouest de l'Angleterre).
Partout où elle est allée, la compagnie a reçu un accueil positif ces dernières années.
"Même si nous ne faisons pas faire avancer leur dossier ou leurs démarches juridiques, nous créons des espaces où les histoires sur la migration forcée, l'espoir d'un avenir meilleur et une représentation plus positive des migrants et des réfugiés peuvent exister", souligne Kate Duffy-Syedi.