Partager:
Et si Hollywood, pilier financier des démocrates, fermait le robinet à Joe Biden? Ce scénario noir plane après l'intervention de George Clooney et d'autres riches donateurs, qui appellent le président américain à se retirer de la course à la Maison Blanche.
"J'aime Joe Biden. Mais il nous faut un nouveau candidat", a asséné mercredi la star, dans une tribune fracassante publiée par le New York Times.
Un coup porté après le débat désastreux face à Donald Trump fin juin, de la part d'un fervent démocrate, très impliqué dans les levées de fonds du parti.
Il y a trois semaines, George Clooney participait avec tout le gratin d'Hollywood à un gala à Los Angeles en faveur du candidat Biden.
Le président de 81 ans y a récolté 30 millions de dollars en une soirée. Un montant record, qui a souligné le poids de cette industrie incontournable dans le financement de la gauche américaine.
"Si tous ces grands donateurs se retirent, Biden coule (...) Hollywood reste le point de passage obligé des candidats", explique à l'AFP Steve Ross, professeur d'histoire à l'université de Californie du Sud (USC) et auteur d'un livre sur l'influence d'Hollywood sur la politique américaine.
Car George Clooney n'est pas le seul inquiet. Ces derniers jours, le cofondateur de Netflix, Reed Hastings, la petite-fille de Walt Disney, Abigail, et le célèbre agent Ari Emanuel - dont le frère Rahm est l'ancien chef de cabinet de Barack Obama - ont annoncé qu'ils ne financeraient pas un président diminué par son âge.
- Influence historique -
Si les millions générés par l'industrie américaine du divertissement sont essentiels pour les deux partis, le coeur et le portefeuille d'Hollywood penchent à gauche depuis des décennies.
Les deux Clinton, Bill et Hillary, se sont appuyés sur ce soutien pour viser la Maison Blanche. Tout comme Barack Obama, qui a bénéficié de "l'effet Oprah" Winfrey, grâce à un dîner organisé en 2007 par la présentatrice pour faire la promotion de celui qui n'était alors que sénateur.
Lors de la dernière année présidentielle en 2020, l'industrie du divertissement a donné 104 millions de dollars aux démocrates contre 13 millions aux républicains, selon l'organisation Open Secrets.
Mais ce penchant n'a pas toujours existé. Dans les années 1980, le président républicain Ronald Reagan, lui-même ancien acteur, était soutenu par des stars comme Frank Sinatra et a pu largement compter sur les coffres de l'industrie.
"Hollywood a d'abord été une base conservatrice pour le parti républicain", rappelle M. Ross. "Lorsque Louis B. Mayer a repris les studios MGM à la fin des années 20, il en a fait une machine publicitaire pour le GOP et a collecté d'énormes quantités d'argent."
Les quatre frères Warner ont ensuite rééquilibré la balance, en soutenant le démocrate Franklin D. Roosevelt dans les années 30 avec leur studio et leurs stars.
Selon M. Ross, c'est l'élection de John Kennedy en 1960 qui sert de bascule. Elle coïncide avec la fin de la "liste noire" d'acteurs soupçonnés de sympathies communistes par l'industrie.
"A partir de là, les stars de cinéma ne sont plus exclues pour des propos jugés trop radicaux", reprend l'universitaire.
- Panique "temporaire" -
Mais Hollywood a-t-il vraiment le pouvoir d'obtenir le retrait de Joe Biden?
La tribune de George Clooney "est une pression supplémentaire", reconnaît Steven Maviglio, un conseiller démocrate qui a travaillé avec Gray Davis, l'ex-gouverneur de Californie entre 1999 et 2003.
Mais pour lui, la panique de certains donateurs est "un phénomène temporaire".
"Si le président décide de se maintenir et qu'il devient clair que le choix est entre Biden et Trump, Hollywood va revenir à sa position initiale et soutenir Joe Biden", avance-t-il.
Les quelques défections du show-business ne sont pas encore assez nombreuses pour avoir un poids décisif, selon lui.
A Hollywood, le véritable pouvoir politique est principalement détenu par un producteur: Jeffrey Katzenberg, ex-dirigeant de Disney et cofondateur de DreamWorks. C'est lui qui a organisé le gala de mi-juin à Los Angeles et soutenait avec ferveur M. Biden, en louant son âge comme un "super-pouvoir".
Depuis le débat raté face à Trump, il est très critiqué et reste silencieux.
"C'est le moteur de la machine", résume M. Maviglio. "S'il s'arrête, c'est significatif."