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Emmanuel Macron a joué l'apaisement samedi lors de sa visite sur l'île d'Ouvéa, étape la plus sensible de son séjour en Nouvelle-Calédonie, où il a appelé la population et ses dirigeants à "ne pas faire reculer l'Histoire", à six mois d'un référendum sur l'indépendance.
"C'est aux Calédoniens qu'il appartient de choisir" lors du référendum du 4 novembre, a déclaré M. Macron samedi soir à Nouméa lors d'un discours en clôture de son déplacement de trois jours sur le Caillou.
Le chef de l'Etat a assuré qu'il n'entendait pas prendre parti, "pas pour me soustraire à une responsabilité, mais parce que ce n'est justement pas ma responsabilité". Mais, a-t-il ajouté, "la France ne serait pas la même sans la Nouvelle-Calédonie".
"Il n'appartient qu'à nous tous de ne pas faire reculer l'Histoire, que le choix se fasse dans le calme en gagnant chaque centimètre de paix et de concorde", a déclaré M. Macron devant le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les élus, les chefs coutumiers, les représentants de la société civile et les responsables économiques, réunis dans un théâtre.
La journée de samedi a été riche en gestes symboliques, à commencer par la visite de l'île d'Ouvéa, théâtre en 1988 du paroxysme des violences entre indépendantistes kanak et loyalistes caldoches.
Premier président à se rendre sur l'île depuis l'assaut militaire de la grotte, il y a trente ans jour pour jour, M. Macron n'a pas déposé de gerbe sur la tombe des 19 militants kanak tués, mais a été chaleureusement applaudi et remercié par la population.
Il a aussi rendu hommage aux six militaires qui ont perdu la vie dans ces tragiques événements devant la stèle à leur mémoire à Fayaoué, et aux deux leaders indépendantistes Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, assassinés par un des leurs en 1989.
Il avait auparavant rencontré, à huis clos, les familles qui souhaitaient le voir.
Il faut "accepter toutes les mémoires pour ne pas s'enfermer dans les douleurs", a expliqué M. Macron, qui est également revenu dans son discours sur la colonisation, période de "fautes et de crimes" mais aussi de "grandes choses de faites".
- sans repentance -
"La France se grandit toujours de reconnaître chacune des étapes de ce qui l'a fait, sans déni, sans repentance", a-t-il dit.
A Ouvéa, le président a planté un cocotier, symbole de vie dans la culture kanak. Il avait à ses côtés un des fils d'Alphonse Dianou, chef du commando FLNKS qui attaqua, le 22 avril 1988, la brigade de Fayaoué et fut tué lors de l'assaut le 5 mai dans des conditions controversées.
"Je lui tire mon chapeau, ça fait trente ans qu'il y a eu les événements, il n'y a que lui qui a foulé le sol d'Ouvéa. (...) La France vient s'agenouiller pour nos martyrs c'est pas n'importe quoi", a confié à l'AFP Kaco, un habitant de la tribu de Banutr.
Mais un autre, qui a préféré rester anonyme, a estimé, drapeau kanak à la main, que le chef de l'Etat venait "humilier nos morts".
Un collectif d'habitants de Gossanah, où se situe la grotte, était fermement opposé à la venue du chef de l'Etat au monument des 19, et avait promis de "tout faire pour l'en empêcher". Minoritaires, ces habitants ont multiplié les manifestations à Ouvéa ces derniers jours pour exprimer leur colère.
Autre geste hautement symbolique, cette fois au Centre culturel Tjibaou à Nouméa: M. Macron a remis au gouvernement les actes de prise de possession de la Nouvelle-Calédonie, des 24 et 29 septembre 1853 au nom de Napoléon III. Les documents étaient jusqu'alors conservés aux archives de l'outre-mer d'Aix-en-Provence.
"Nous ne sommes plus au temps de la possession, nous sommes au temps des choix et de la prise de décisions collectives", a déclaré le président. Avec ce geste, "vous allez marquer l'Histoire de la Nouvelle-Calédonie", a estimé Philippe Germain, président du gouvernement local.
Depuis 20 ans, un processus de décolonisation par étapes est en place en Nouvelle-Calédonie et doit déboucher sur un référendum lors duquel les électeurs devront dire s'ils veulent "que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante". Au vu du rapport de forces actuel entre les deux camps, le "non" est attendu gagnant.